lundi 5 octobre 2015

Plélo, 5 octobre 1915 – Jean à sa mère

Plélo, 5 octobre 1915
            Maman cherie           

En me retrouvant seul avec moi-même, ma première pensée est pour toi.
            Je t’ai dit combien le temps passé à Paris avait été lumineux et bien rempli. Mlle [Léo] Viguier et [Roger] Jézéquel m’ont encore accompagné à la gare Montparnasse, où je leur ai fait mes adieux. J’ai dormi presque tout le temps du voyage. Arrivé à Châtelaudren ce matin de bonne heure, j’ai été envoyé comme tous les blessés revenant d’hopital ou de convalo. au depot d’eclopés (29ème Cie  Plelo). Ce village comme Châtelaudren est très pitoresque et très propre, absolument different de ce que l’on voit autre part, toutes les femmes en costumes et en coiffe, avec des physionomies, des gestes, un langage tout different des notres. Pour le moment mes impressions sont assez confuses, il me semble que je vois tout à travers les nuages de fumée de chemin de fer et que tout ce que j’entend est dominé par le bruit du roulement du train.

            Pour me loger, pas d’autre solution que la location d’une chambre, et elles sont toutes chères étant recherchées. Je paye la mienne 30 frs par mois, un franc par jour, soit la moitié de ma solde. Elle est très grande, très aéré, des images pieuses sur les murs et des geraniums aux fenêtres, un bon vieux lit de campagne, une vieille commode.
            Je mange au mess avec les sous-of. J’ai rencontré plusieurs anciens de mon renfort du 55ème qui sont très gentilment venus me serrer la main.
            Tout ça est encore un peu pour moi comme au cinema. Je te donnerai des details plus tard lorsque toutes les premières  impressions seront passées. Je pense passer la visite du major demain ou après demain. Jusqu’à ce moment là je serai probablement assez libre. Ce soir je compte aller chercher ma cantine à Châtelaudren. Je n’ai pas encore d’opinion sur les types qui m’entoure.
            Je t’embrasse tendrement, toi et tous mes chers Cettois. 

J. Médard 

            T’ai-je dit que [Pierre] Lestringant est blessé (2 doigts de pied emportés).