samedi 15 juillet 2017

Mittlach, 15 juillet 1917 – Jean à sa mère

15/7/17
            Maman chérie 

            Je ne t’ai pas écrit hier, la journée a été très absorbante, aujourd’hui tout s’est tassé et je puis reprendre le contact. D’abord rassure-toi sur mon sort. Je suis delicieusement installé, au milieu d’une forêt de sapins. J’ai une chambre, un lit à sommier metalique, un bureau à tiroir, une cheminée qui n’est pas toujours inutile, vue l’altitude. Le secteur est infiniment calme.
            Pour moi qui n’aie pas la preoccupation de la surveillance en première ligne et qui aie des ressources avec la lecture et la peinture c’est une periode de repos, de delassement. L’ennuie de mon travail ce sont les papiers, qui n’ont jamais été mon affaire, et le telephone. Il fait très bon, le vent ballance doucement et puissemment les futs des sapins ; c’est une musique qui en vaut bien d’autres ; elle vaut infiniment mieux en tout cas que la musique qui sort du piano installé dans un P.C voisin. Ce P.C voisin est un P.C d’artillerie ; c’est là que nous allons manger, en compagnie des artilleurs, le commandant et moi. Ces artilleurs sont des camarades d’Hervé [Leenhardt], et Hervé n’est pas très, très loin de moi, avec le colonel du 132 [Adrien Perret]. J’aurai surement l’occasion de le voir. 
            A travers les sapins, on a l’observatoire voisin, vue splendide sur la vallée.
Source : collections BDIC
           Mes fonctions consistent recevoir des papiers, à en envoyer, à être appelé au téléphone, et à appeler, et à me promener dans le secteur. Ces ballades sont de veritables excursions, des distractions. On oublie la guerre. Parfois une demie-journée se passe sans qu’on entende un coup de canon, et pourtant le canon dans la montagne s’entend de loin. Je n’ai pas encore eu le temps de me remettre à la peinture. 
            Je viens de recevoir ta bonne lettre du 11. Heureux de savoir ton arrivée, ennuiyé de te voir pas très emballée, et souffrant presque du froid. J’espère que une fois installée, et le beau temps aidant, le pays te sera plus acceuillant.
            J’apprends les fiançailles de Frank Berton avec Mlle Hélène Bernard, de La Rochelle…. La crise continue.
            Je reçois aussi un mot de [Albert] Léo qui va de mieux en mieux.
            Ne te préoccupe pas de moi, j’ai tout ce qu’il me faut pour lutter contre le froid, d’ailleurs il ne fait pas froid. Les Pont t’ont-ils parlé des fiançailles de Robert.
            Avant de quitter l’autre vallée j’ai vu Henri Monnier. Il viendra me voir par ici.
Tendrement à toi, Maman chérie 

Jean