jeudi 11 mai 2017

Sète, 11 mai 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 11/5 1917
            Mon fils chéri 

            Tu penses combien heureuse j’ai été de ta lettre du 6 reçue hier soir ! Je savais d’avance que tu méritais une citation, mais je me demandais si elle te serait donnée ou serait demandée par de nouveaux chefs qui ne connaissaient pas encore ta valeur. J’aurais aimé pr toi qu’elle fut à l’armée. C’est la palme n’est-ce pas ? mais pour moi cela dépasse tout ce que je peux demander. Je sais que tu as fait ton devoir tout ton devoir et je te presse plus etroitement encore sur mon cœur. La plus belle récompense pour moi, la plus belle palme, c’est que tu m’as été gardé.
            Et maintenant je veux connaître cette citation et si tu ne me la communiques pas je sais le moyen de te punir. C’est de faire afficher les autres. Tu sais elles sont toutes à la mairie celle des Cettois héroïques et c’est dur que tu restes ainsi dans l’ombre. Ne permets-tu pas dis ?
            Et ces photos ? quelle joie ! Mais prquoi es-tu toujours si laconique ? Comment as-tu perdu la moitié de ta tunique et comment as-tu pu laisser en route des leggins attachés aux jambes ? Quand est prise cette photo ? Est-ce le champ de bataille ? En quoi consiste travail pendant l’attaque ?
            Et maintenant tu me laisses entendre que vous êtes moins exposé et moins à la gloire. Mais explique-toi. J’aimerais tout savoir. N’espères-tu pas encore une permission ?
            En attendant bébé couvre de baisers tes photos et sur l’une d’elles sa petite bouche a laissé une trace. Elle commence à bavarder ferme essayant de répéter tout ce qui se dit, elle est trop drôle. Ns avons un petit chat, un vrai martyr, il n’y a pas Boche plus malheureux. Elle le trimbale partout. Hier elle s’était juchée sur l’un des [mot illisible] de la terrasse ; elle y avait hissé le petit chat, la chatte les avait rejoints et de là elle faisait des discours à un auditoire imaginaire. On retrouvait des mots courants très estropiés, mais c’était amusant.
            Ns avons eu une jolie petite soirée, toute simple bien sur. Mais Suzie recevait très gracieusement, très aimablement elle était gentille tout plein et Hugo très affairé.
            De Mostuéjouls les Szabo[1] [?] s’informent tjours bcoup de toi. On a causé agréablement et pris [mot illisible] thé et liqueurs et ns ns sommes couchés tard. Aujourd’hui comme tjours cuisine lessive à rentrer promenade de bébé. Je crois que cette lettre ne partira pas au courrier de 2 h. Tant pis, elle est si interessante et dit si mal ce que je voudrais.
            Mr [Jules] Brun sort d’ici et a empêché ma lettre de partir. Visite peu paroissiale. Il t’envoie sa pensée affectueuse.
            Je reçois ta carte du 7. Où fais tu de si bons sommeils. N’es-tu pas encore au danger ?
            Je t’embrasse de tout mon amour.

Ta maman 

As-tu des jumelles, un revolver ?

[1] Mathilde écrit Sazbo, mais le patronyme semble plutôt être Szabo.