mercredi 31 mai 2017

Courpalay (Seine-et-Marne), 31 mai 1917 – Jean à sa mère

31/5/1917
            Maman chérie 

            Ma vie continue au milieu des mêmes êtres, c’est-à-dire le 3ème Baton. Mais les lieux ont changé. Je ne dirai pas que le pays que nous occupons maintenant est mieux que celui que nous avons laissé, car même la guerre n’était pas arrivée à enlaidir ce dernier, mais ici nous avons la paix. On n’entend plus le canon ou le ronflement des moteurs, on ne voit plus de saucisses, on ne couche pas dans des maisons défoncées ou dans des creutes. La maison que j’occupe est très jolie, tu as pu le voir[1], ma chambre est somptueuse, mes hôtes sont charmants. Ils se sont même arrangés pour loger mon ordonnance. Notre popote est aussi très agréable.
            Quand au pays il est vert et arrosé [?] comme n’importe quel coin de la banlieue de Paris. Je ne te dis pourtant pas de venir m’y rejoindre parceque j’espère bien ne pas remonter en ligne sans être parti en permission[2]. Grands départs de permissionnaires. J’étais un des derniers rentrés, mais si ça continue comme ça mon tour reviendra vite. Avec tous ces departs il n’est pas question d’exercice. Les poilus se reposent, et ils ne l’ont pas volé.
Source : JMO du 132ème R.I. - 31 mai 1917
            Nous avons fait hier un voyage en camion de 120 kilomètres. Comme poussière c était un peu là.
            Je t’embrasse de tout mon cœur maman chérie 

Jean 

            Je reçois à l’instant ta lettre du 27. Je suis édifié par les exploits de ma fillieule ; j’espère que sa fièvre est tombée et que ça n’a rien été de grave.
            [Albert] Léo a été très en danger à l’hopital Buffon sa blessure s’étant compliquée d’une congestion pulmonaire très grave
___________________
[1] Allusion à la carte postale "clandestine" envoyée la veille.
[2] Contrordre donc par rapport à la carte postale de la veille et à la suggestion "Tu devrais venir m'y voir". Et à bon escient, puisque Jean part effectivement en permission jusqu'à la mi-juin.