mardi 11 avril 2017

Bourg-et-Comin, 11 avril 1917 – Jean à sa mère

11/4/1917
            Maman chérie 

            La grande danse n’a pas encore commencé ; ou du moins si les Boches dansent déjà pas mal, nous, pas pour le moment. Ma vie se passe surtout dans une péniche où ns avons Le Gall, Deconinck et moi tout le confort moderne. Nos ordonnances nous font la cuisine, ns avons des couchettes avec sommiers, matelas et draps.
            Souvent nous allons rejoindre le colonel [Théron], travaillons et mangeons avec lui. En somme très bonne vie.
            Hier je suis allé faire un tour en ligne avec Le Gall et Seligman, un officier de la Brigade. Ça ne manquait pas d’interet… Je ne desespère pas de voir Hervé [Leenhardt][1].
            Il s’en est fallu de très peu que nous ne fassions le « coup dur » ensemble. Il est officier de liaison d’artillerie avec le régiment voisin. S’il avait été designé pour le 132e ns aurions été aussi proches, voisins de combat qu’on peut l’être puisque notre place de chacun aurait été le plus souvent auprès du colonel… en tout cas nous aurions mangé, dormi ensemble.
            Mais, je renonce à rien te raconter. Chaque fois que je commence une phrase, une histoire, je demande si ça ne va pas compromettre la defense nationale.
            Qu’il te suffise de savoir que je suis tout à fait « en forme » au physique et au moral, très confiant Mon seul regret est d’être séparé de mes poilus.
            Je suis avec vous avec tendresse et ferveur. 

Jean

[1] Rappel : Hervé Leenhardt (1894-1963) est un cousin issu de germain de Jean.