dimanche 30 avril 2017

Chazelles, 30 avril 1917 – Jean à sa mère

30/4/1917
            Maman chérie 

            Ça va toujours. Pour le moment, je suis adjoint à mon chef de Baton, le capitaine Guilhaumon[1] qui est arrivé hier au regiment.
            La chaleur est venue brusquement. Et la semaine dernière encore il neigeait.
Tendresses 

Jean

[1] Que ce soit dans ses mémoires ou dans sa correspondance, Jean écrit d’abord Guillomont, puis Guillaumont. Mais les JMO donnent comme orthographe Guilhaumon, c’est donc celle-ci que j’ai systématiquement substituée à celle du texte d’origine.

samedi 29 avril 2017

Sète, 29 avril 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 29/4 1917
            Mon bien aimé 

            En partant hier pr la petite plage, ou ns avons passé une ou deux heures de solitude et de recueillement Suzie et moi j’ai trouvé ta lettre si ardemment désirée. Ns l’avons lue et relue là-bas, le cœur affreusement étreint devant toute la souffrance que nous devinons, sans pouvoir en comprendre l’immensité car cela est effroyable. Mon petit mon cher petit quelle tempête a du se déchainer dans ta belle âme prtant si paisible si peu faite pr ce qui lui est demandé. Il faut que Dieu soit bien sûr de toi pr que tu sois à même de reagir et de poursuivre cette sombre route et je le supplie avec toute la ferveur possible de t’aider afin que tu n’aies pas de défaillance. Je le bénis aussi sans cesse de ns tendre sa main secourable, il me semble si clair que ta mission d’officier de liaison t’a sauvé cette fois par sa grâce. Penses-tu être encore appelé à ce poste ? et crois-tu retourner incessamment vers la tempête.
            J’ai été voir tante Anna hier au soir ou plutôt Melle Corgin qui était venue le matin. Ces dames m’affirmaient qu’après une pareille tourmente tu serais au repos quelque temps mais je ne le crois pas. Hélas ai-je raison ? Je pense sans cesse au petit [Claude] Gonin si gentil garçon, à sa famille dans le desespoir, à [René] Candillon à toutes ces figures connues ou connues par toi et je me demande ce qu’il reste autour de toi ce des visages qui t’étaient sympathiques. Tu dois te sentir si dépaysé.  Que ne puis te voir, te serrer sur mon cœur, te faire sentir l’immense amour de ta mère.
            Alice vient de nous quitter pour quelque temps ; elle a été se reposer, se refaire, elle est vraiment maintenant une véritable invalide. Ns aurons bien à faire car Suzie est à ménager et son morceau de fille bien fatigant. Nous nous proposons de monter pr la dernière fois à la villa de Suède raccommoder quelques tapisseries déchirées par Na, puis nous irons dire adieu à Madame Fabre qui repart demain pour le Tarn. Le Norvégien a dejeuné ici, il est tout à fait simple et bon garçon, voilà [Paul] Corteel remplacé. Ce dernier est en possession d’une nombreuse famille. Ont débarqué ici, la sœur de sa femme avec quatre enfants, le mari a été gardé comme otage. Ils vont venir tous ns rejoindre à la villa. J’accompagne pour m’occuper de bébé et je ne désire qu’une chose, la solitude et le calme pr pouvoir mieux penser à toi.
            Je n’ai rien su d’Hervé. J’espère qu’ils ont de ses nouvelles. Les Caffarel Louis ont perdu leur second fils [Henri Caffarel (1897-1916)].
            Je t’embrasse avec ma tendresse infinie. 

Ta vieille maman 

            Tu me dis que tu n’étais pas avec le Bataillon pr l’attaque mais avec le Colonel, mais puisqu’il était presque en tête étais-tu là avec lui ? Dis-moi le nom de ton colonel blessé et celui du Général.
            Sont-ce les mitrailleurs qui ont fait tant de mal ?
            Je reçois ta lettre du 23. Je suis aussi ahurie de tous ces changements. Je suis fière et confiante en tes capacités. Dieu te dirige.

vendredi 28 avril 2017

Chazelles, 28 avril 1917 – Jean à sa mère

28/4/1917
            Maman chérie 

            Je viens de recevoir votre paquet. Votre gateau fera notre regal aux desserts de ce soir et de demain.
            Notre sejour ici a l’air de se prolonger, ainsi que le repos.
            J’ai rejoint hier la 5e cie et le 2ème Baton et j’avoue que je suis affecté comme jamais par nos pertes. Il a deja plus de nouvelles figures que d’anciennes. Nous qui étions si unis. Une demi-heure a suffi pour faire le vide.
Source : JMO du 132ème R.I. - 20 avril 1917
            Parmi les nouvelles figures, celle de mon capitaine, commandant pour le moment au moins la 5e Cie, et recemment affecté au 132, le capitaine Fauveau[1]. Il est très gentil. Nous nous sommes trouvés tout de suite en pays de connaissance, bien qu’il soit de Lille. Figure toi que c’est le cousin et le parrain de Madame Corteel, et qu’il reçoit des lettres du n° 3 du quai Aspirant Herber [La mère de Jean habitait au n° 4 !]. Tu vois que j’ai de la chance dans mon épreuve. C’est un type supérieur à tous les commandants de Cie que j’ai eu jusqu’à maintenant. Mais il est un peu accablé par toutes les difficultés et les souffrances que la guerre entrainent pour lui : séparation, ruine, etc.
            Ce matin, un oncle de [Georges Etienne Soter] Baillot est venu nous demander des details sur sa mort. Mme Rivals a su la mort de son mari par Combemale qui est toujours à l’hopital et qu’elle venait voir régulièrement.
            Je t’ai dit que j’avais eu la visite du nouvel aumonier divisionnaire Mr [Louis] Guilliny. Nous aurons – sauf evenement imprevu – un culte demain qui reunira les rares elements protestants du 132e.
            Je t’écris, maman cherie, des lettres absolument stupides. Il ne faut pas m’en vouloir. C’est n’est ni de l’abattement, ni de la paresse, mais toujours cette abruttissement qui est notre ennemi de tous les jours et surtout des journées qui suivent un coup dur.
            Je suis avec vous de toute ma pensée et de tout mon amour. 

Jean


[1] Jean, dans cette lettre, écrit « Faveau » ; mais lui comme Mathilde écriront « Fauveau » dans toutes les lettres ultérieures, et c’est d’ailleurs l’orthographe donnée par le JMO.

jeudi 27 avril 2017

Fin avril 1917 – Compagnons de creutes


Nous sommes encore assez secoués par les contre-attaques allemandes, mais je suis privilégié puisque je retrouve après mes missions les P.C. de l’Infanterie divisionnaire ou du régiment installées dans des « creutes », abris profonds et sûrs.

Source : collections BDIC

Dans une de ces creutes, je voisine quelque temps avec Hervé Leenhardt et le pasteur Guilliny, notre aumônier divisionnaire. Il me parle de sa paroisse du Fleix et de son joli presbytère sur la Dordogne. Je ne prévoyais pas alors que je devais le remplacer huit ans plus tard dans cette paroisse et passer dans ce presbytère quelques-unes des plus belles années de ma vie. 

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie : La guerre)

mercredi 26 avril 2017

Fin avril 1917 – Officier de liaison


Pratiquement, je suis surtout chargé des liaisons parfois vers l’arrière, vers la division, le plus souvent vers les lignes. J’ai ainsi l’occasion de parcourir en tous sens le terrain conquis et les tranchées du Chemin des Dames.  

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie : La guerre)

Source : collections BDIC
En hommage à la section photographique de l'armée
qui a parcouru le secteur du Chemin des Dames dès le début de l'offensive.
Et à la BDIC qui met les "albums Valois" en ligne en utilisation libre.

Source : collections BDIC

Source : collections BDIC

Source : collections BDIC

Source : collections BDIC

Source : collections BDIC

Source : collections BDIC

Source : collections BDIC

mardi 25 avril 2017

Berzy le Sec, 25 avril 1917 – Jean à sa mère

25/4/1917
            Maman cherie 

            Toujours la même vie et la même situation. Tout le monde est absolument charmant pour moi. Mais j’aimerais vraiment mieux retourner dans ma compagnie au milieu des hommes qui me restent ; et pourtant c’est bien triste de se retrouver dans une compagnie ainsi vidée, avec de nouveaux chefs et de nouveaux aides.
            Je ne prends pas mes nouvelles fonctions très au serieux, mais tu rirais de me voir m’occuper de toute cette cuisine interieure d’un regiment. Je ne suis là que tout à fait temporairement, mais, comme je remplace le capitaine adjoint au colonel, qui est generalement le + ancien du regiment et un vieux militaire, je me sens assez ridicule.
            J’ai perdu pas mal de choses pendant la dernière offensive, en particulier mon caoutchouc, mon rasoir, mes gants, mon revolver, mes jumelles, etc.[1] Je pense que tu n’y attacheras aucune importance, comme moi. C’est deja pas mal de ramener sa peau. Une autre fois je monterai plutôt à l’attaque en bras de chemise.
            Je ne t’ai pas encore parlé de mes nouveaux compagnons. L’Etat Major a été diminué du colonel Theron et de son capitaine adjoint Gabet – tous deux blessés. Le colonel a été remplacé le jour même de l’attaque par le commandant du 1er Baton [Adrien Perret] qui a été nommé Lt-Colonel le surlendemain (entre parenthèse c’est moi qui lui ai annoncé sa nomination).
            Le Lt Colonel [Adrien] Perret est un ancien cavalier, passé sur sa demande dans l’infanterie. C’est lui qui a eu la drole d’idée de me prendre comme adjoint. Il est un peu vieux, très gentil.
            Telle[2], le s/s lieut porte-drapeau, avec qui je travaille et qui fait tout le travail. Le Gall, le téléphoniste, type tout à fait sympathique et agreable.
            Deconinck, le pionnier, une vieille connaissance. Il a été s/lieut à la 5e au debut de la Somme. Très gentil aussi.
            [Pierre] Péchenart, l’off. de renseignement, un prêtre. Je partage sa chambre. Nous faisons de l’union sacrée. C’est vraiment un chic type.
            Labadie38, l’off. de detail, que l’on voit peu parcequ’il travaille beaucoup. 

25 Mercredi soir. 

            Enfin le capitaine adjoint est designé. Je vais probablement rejoindre mon bataillon. Cette après-midi l’aumonier de ma division, Mr [Louis] Guilliny[3] est venu me voir. Un homme deja d’un certain age, tête sympathique et bonne. Nous avons fait le tour des patelins du regiment à la recherche des protestants. Nous espérons pouvoir avoir un culte dimanche.
            Il faut que ma lettre parte.
Tendrement 

Jean

[1] Aurait-il aussi perdu quelques lettres, ce qui expliquerait l’absence de lettres de Mathilde fin avril ?
[2] Jean écrit « Tell » et « Labadi » mais le JMO note « Telle » et « Labadie ». Comme d’habitude, c’est l’orthographe du JMO que je privilégie.
[3] Jean écrit la plupart du temps Guiliny. Il s’agit de Louis Guilliny (1871- ?).

lundi 24 avril 2017

Berzy le Sec, 24 avril 1917 – Jean à sa mère

24/4/1917
            Maman chérie 

            Je me laisse toujours absorber pas mal par le travail de bureau, et ça ne me plait pas outre mesure. Autrement tout va bien. Le colonel [Adrien Perret] est charmant avec moi et mes compagnons de l’E.M. très agréables. J’ai reçu un petit mot de [Roger de] La Morinerie toujours très en train, malgré son amochage.
            J’ai reçu tes bonnes lettres des 14, 15, 16, 17, toujours avec joie.
            Ce matin l’aumonier catholique de la division a mangé avec nous. J’ai un peu causé avec lui après. Il est très gentil.
            Je t’embrasse maman chérie, je vous embrasse tendrement.
Jean
 

dimanche 23 avril 2017

Berzy le Sec, 23 avril 1917 – Jean à sa mère

23/4/1917
            Maman cherie 

            Me voici revenu à l’Etat Major après une courte réapparition dans mon bataillon. Le capitaine adjoint au colonel ayant été blessé, n’étant pas encore remplacé, je bouche le trou en attendant l’arrivée ou la nomination d’un nouveau capitaine. J’avoue que cette decision m’a absolument ahuri. C’est un travail de paperasse qui est fort peu dans mes cordes. Il faut prendre pas mal de responsabilités et surtout connaître à fond le metier, les reglements. Je ne sais pas trop quelle tête je vais faire là dedans. Je me sens assez ridicule. J’espère que ça ne durera pas trop longtemps. Le colonel [Adrien Perret] à qui j’ai dit que je manquais d’expérience m’a repondu que j’en prendrais. Il n’y a qu’à s’incliner. Je vais être assez absorbé et ne pourrai t’écrire très longuement. Pardonne m’en.
            Le beau temps est enfin venu. Ce n’est pas trop tôt. Mes nouveaux compagnons de vie sont très agreables. Je ne sais pas quand j’aurai le temps de te raconter en detail tous ces changements dans ma vie.
Mille tendresses 

Jean

samedi 22 avril 2017

Berzy le Sec, 22 avril 1917 – Jean à sa mère

22/4/1917
            Maman chérie           

Hier j’aurais du t’ecrire. Je n’ai pu que dormir. Aujourd’hui encore je suis assez vaseux. Maintenant pourtant c’est le vrai repos.
Les dernières nouvelles que j’ai eu d’Hervé [Leenhardt] étaient bonnes. Je l’ai vu une fois, après la première attaque. Cette première attaque, journée du 16, a été très dure. Au 2ème Baton elle ns a couté en tués, outre le commandant [Antoine Rivals], le capitaine [René] Candillon (5ème), St Lieut [Claude] Gonin (6ème tu le connaissais – le petit aspirant qui avait pris le thé avec ns et Getaz à Chartèves) Lieut. [Emile] Jesson (7ème), S/Lieut [Gaston] Mellinette et [Georges Etienne Soter] Baillot (Cie de Mitrailleurs). Tu connaissais aussi ce dernier, tu trouvais qu’il ressemblait à un officier de marine. En blessés : capitaine adjudant major Dufour, S/Lt Millière, S/Lt Bouchez, [Roger de] La Morinerie. Le Commandant [Antoine Rivals] était en tête de combat, il a eu une mort magnifique. Le colonel [Théron] aussi était presque en tête sur le petit groupe qui l’entourait peu sont revenus indemnes. Lui, notre brave colonel blessé à la cuisse, son capitaine adjoint [Gabet] la figure traversée d’une balle, [Lucien] Soula, off. du canon de 37 tué, etc, etc.

Source : collections BDIC

"Baillot (Cie de Mitrailleurs), tu [le] connaissais, tu trouvais qu’il ressemblait à un officier de marine"
"le capitaine Candillon (5ème)" 

"St Lieut Gonin (6ème) tu le connaissais – le petit aspirant
qui avait pris le thé avec ns et Getaz à Chartèves), Lieut. Jesson (7ème)"

"S/Lieut Mellinette (Cie de Mitrailleurs)" -  "le commandant"

"Soula, off. du canon de 37 tué"

"etc, etc." ... les deux autres officiers du régiments tués le 16 avril

"etc, etc." ... les deux officiers du régiments tués le 17 avril,
et tous les autres, jamais nommés.
           Au bout d’une demi heure le regiment se trouvait presque sans officiers et sans commandement. Petit à petit les choses se sont retablies. Le Commandant du 1er Baton [Adrien] Perret a pris le commandement du regiment. Malgrès nos pertes et nos fatigues nous avons attaqué de nouveau le lendemain soir et ds la nuit les boches lachaient le terrain…. et quel terrain.
Je me suis trouvé par hasard au petit jour en première ligne devant un terrain vide. Souvenirs inoubliables…. je ne puis pas tout raconter. J’ai penetré dans un abri somptueux où j’ai trouvé un poste de secours rempli de boches blessés, d’infirmiers boches et des blessés de chez nous qu’ils avaient fait prisonniers la veille en contre attaquant. A coté un poste de commandement très bien meublé rempli de cigares, de liqueurs, de provisions de bouche, etc. Nous avons encore poursuivi les boches toute la matinée, presque atteint le Chemin des Dames. Le soir, absolument fourbus, ns étions bien en reserve, le lendemain soir toute la division était relevée.
            Excuse cette lettre idiote, je suis absolument abrutti.
Je t’ai bien dit que je n’étais pas avec le Bataillon pour l’attaque, mais avec le colonel [Théron]. Pour moi, ma mission a été beaucoup plus fatigante que dangereuse.
Je suis rentré ce matin à ma Cie. Par miracle, pas un seul tué à ma section, mais des masses de blessés. L’artillerie boche était musclée, rien que des mitrailleurs.
Tendresses 

Jean    

vendredi 21 avril 2017

21 avril 1917 – Changement de cantonnement

Source : JMO du 132ème R.I. - 21 avril 1917

jeudi 20 avril 2017

Braine, 20 avril 1917 – Jean à sa mère

20/4/1917
            Maman chérie 

            Nous voilà de nouveau au repos pour peu de jours, après une semaine de combats. Le regiment a été vraiment admirable. Il a fait quelque chose, cette fois. Je te raconterai tout ça. Malheureusement les vides sont grands… notre cher commandant [Antoine Rivals] surtout. Aujourd’hui, ds un hopital voisin ns sommes allé voir à cheval les officiers blessés : le colonel [Théron] toujours serein, [Roger de] La Morinerie blessé de 4 balles, etc, etc.
Tendresses, tendresses 

Jean

Source : collections BCDI

mercredi 19 avril 2017

Braine, 19 avril 1917 – Jean à sa mère

19/4/1917
            Maman chérie 

            Hier nous avons eu la grande joie de faire un bond en avant. Ns sommes ds des abris boches où ns avons trouvé une installation somptueuse et un butin considérable.
Toute ma tendresse, toujours, 

Jean
Source : collections BDIC
... ou peut-être cet abri-là ?

mardi 18 avril 2017

Braine, 18 avril 1917 – Jean à sa mère

19/4/1917
[erreur de date, carte écrite en fait le 18 avril]
            Maman chérie 

            C’est à peu près fini pour le moment.
            Demain je pourrai je l’espère te donner des détails sur la vie très agitée de ces quelques jours. Nous avons perdu beaucoup de monde…
            Nous avons eu la joie d’avancer et de prendre une énorme position boche.
Infinie tendresse 

Jean
Source : collections BDIC
Peut-être cet abri-ci ?

18 avril 1917 – Chemin des Dames, 3ème jour


Le lendemain au petit jour nous avançons encore de trois ou quatre kilomètres et les troupes qui nous relèvent occuperont presque sans combat le Chemin des Dames.
Source : collections BCDI
 
J’entre dans un grand abri dont les occupants se rendent. Nous y trouvons un important ravitaillement, de l’eau de vie, des cigares, qui font notre joie et, sur une couchette, le cadavre d’un jeune soldat allemand. Malgré notre excitation, nous baissons le ton. Les cadavres n’ont plus d’uniforme. 
Source : JMO du 132ème R.I. - 18 avril 1917

Quand je retourne apporter des renseignements à l’Infanterie divisionnaire on me confie le pli contenant la nomination du commandant [Adrien] Perret au grade de lieutenant-colonel. Je le lui présente à mon retour :
« Mon commandant, je vous apporte un message qui vous fera plaisir.
– Médard, je n’oublierai pas que c’est vous qui êtes le messager de cette bonne nouvelle ».
Le colonel [Adrien] Perret a été en effet toujours bienveillant envers moi.
Source : JMO du 132ème R.I. - 19 avril 1917
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie : La guerre)

Sète, 18 avril 1917 – Mathilde à son fils

Cette le 18 Avril 1917

            Mon fils, mon brave, mon enfant chéri comme il me tarde d’être encore vieille de quelques jours ! C’est la voix coupée de sanglots que je lisais à ta sœur tantôt le récit de cette bataille de Craonne ! A côté de l’orgueil il a aussi place pr la pitié devant des souffrances si noblement consenties. Je te présume, je te sens là ; et tu comprends……… je ne vis pas.
            Mais je veux que tu me sentes forte et courageuse. Je ne veux pas que tu aies à rougir de ta mère. Mon enfant adoré ! Comme elle voudrait ta maman, te serrer dans ses bras comme quand tu étais un tout petit. Quelquefois, je serre ainsi Elna à l’étouffer comme je faisais de toi lorsque tu étais à moi, rien qu’à moi et qu’il n’y avait pas de partage et je lui parle d’Oncle Jean. Où est-il ? que fait-il ? et elle me répond « pas » et elle fait signe qu’il est loin, bien loin. Il est dans le cœur de sa maman, tout rempli de lui…
            Les journeaux nous disent que l’intensité de l’artillerie a dépassé ce qui avait été jusqu’à ce jour ; l’élan des troupes merveilleux, qu’est-ce à dire ? il y a eu déjà des choses si terribles.
            Oncle Axel est bien installé ici, il a eu hier un mot de Rudy [Busck] mais vieux du 7.
            J’ai aperçu Madeleine [Benoît] hier, sa belle sœur [Yvonne Bouscaren, épouse de Lucien Benoît] et le petit Pierre [Benoît] sont ici, mais ces dames ne viennent pas à cause de la présence d’oncle Axel. Ns vivons très retirées en attendant les nouvelles.
            Je te serre passionnément sur mon cœur. 

Ta maman

lundi 17 avril 2017

17 avril 1917 – Jean à sa mère

17/4/1917
            Maman chérie 

            Nous sommes en plein travail. La première partie a été dure. Le Commandant [Marius] Rivals et le Capitaine [René] Candillon ont été tués, le colonel [Théron] blessé. Inutile de te dire la peine que ça nous fait.
            Avec vous de toute mon âme. 

Jean



Recto de la photo : légende de la main de Jean Médard

Source : Pages 14-18 (cliquer pour agrandir)
 
 
A propos de ces deux photos
 
La première photo est la numérisation d’un tirage papier conservé toute sa vie par Jean Médard. C’est un cliché très pâle, les inscriptions sur les croix sont indéchiffrables à l’œil nu. La numérisation permet d’améliorer un peu la lisibilité. A noter que la légende, écrite au verso par Jean Médard, reflète son attachement au commandant Rivals et au capitaine Candillon, ses supérieurs immédiats du 2ème bataillon. Mais en fait, les tombes au premier plan sont celles du capitaine Candillon et du sous-lieutenant Gonin. (Ce dernier appartenait à la 6ème compagnie et Jean, qui était de la 5ème, le côtoyait sans doute moins.)
C’est la deuxième photo, infiniment plus nette, qui permet le déchiffrement aisé des noms sur les deux croix du premier plan. Elle permet même, pour peu qu’on connaisse déjà son grade et son nom, de deviner l’inscription concernant le commandant Rivals (tombe à gauche au deuxième plan). C’est sur Pages 14-18, qu’à mon grand étonnement j’ai découvert cet exemplaire de bien meilleure qualité que la vieille photo papier qui m’était si familière. Le message que j’ai laissé pour connaître l'origine de cette photo est malheureusement resté sans réponse.
Je cherche en effet, en vain jusqu’à présent, à retrouver, sinon les descendants, du moins des informations sur les familles du commandant Marius Rivals et du capitaine René Candillon. Dans le civil, René Candillon était instituteur, il avait une petite fille (lettre de Jean du 2 février 1917). Le commandant Rivals était « le neveu par alliance de Jean Monnier » (un professeur de Jean à la faculté de théologie de Paris) ; Jean avait même rencontré sa femme (lettre du 12 février).
Toute information serait la bienvenue.