dimanche 5 février 2017

Barcy, 5 février 1917 – Jean à sa mère

5/2/1917
            Maman chérie 

            Avant-hier nous avons quitté de bon matin la jolie petite ville [La Ferté-sous-Jouarre] où nous avons fait étape. C’est peut-être le jour le plus froid que nous ayons eu. Il faisait – 16. Nous avons marché ferme ce qui est le meilleur système pour resister aux temperatures les plus rigoureuses.
            Au coucher du soleil nous arrivions à notre cantonnement actuel.
            Autour on s’est battu ferme au moment de la bataille de la Marne. Le plateau est un immense et impressionnant cimetière. Le village est très abimé. Et tout ça à 45 kil de Paris.
            Tu penses quelle bonne journée j’ai passé hier. Le programme habituel ; j’ai vu Léo Viguier, Lily [Emilie] Kellermann, Suzanne de Dietrich, J-B Couve, Ch. [Charles] Westphal, etc, etc.
            La 5e Cie est detachée ds une grande ferme voisine du village, nous n’y sommes pas mal. Il fait toujours très froid. 
            Les poilus sont très contents du ballon de foot-ball dont je leur ai fait cadeau, et s’amusent tout le jour avec.
            Je viens de recevoir tes lettres des 31 et 1er. Je vois que ce n’est pas seulement ds l’Est qu’on est obligé de souffler ds ses doigts.
            J’espère que vous êtes moins patraques à la maison les uns et les autres.
            Suzon fait de drôles de rêves.
            Il ne faut pas t’énerver si S. [Suzanne] Egg ne voit peril et souffrances que là où est passé son mari. C’est tellement humain et la pauvre femme est tellement malheureuse qu’on peut bien lui pardonner ça.
            Que dites-vous des bonnes nouvelles de l’autre côté de l’Atlantique. Hier soir en rentrant vite sous la lune froide j’en avais chaud au cœur.
Tendresses 

Jean