mercredi 11 janvier 2017

Sète, 11 janvier 1917 – Mathilde à Jean

Villa de Suède le 11 Janvier 1917
            Mon brave chéri 

            Ma surprise a été grande hier soir au reçu de la lettre du 4 déjà vieille de six jours.
            Je ne sais jamais s’il faut se laisser aller à la pénible impression que cause un changement quel qu’il soit ; j’ai été vraiment attristée sans avoir prtant beaucp réfléchi à la chose.
            Je crois que tu aimais ton général et tu as du aussi avoir de la peine à le quitter. Ce qu’il y a d’important c’est que tu ne quittes ni ton commandant, ni tes camarades ni ton colonel n’est-ce-pas. et pr le reste Dieu est là et pourra te préserver s’il le juge bon, aussi bien au secteur 133 qu’ailleurs et tu ne vas pas à Salonique n’est-ce-pas ?
Je ne suis pas ravie non plus de te sentir caracoler sur un cheval rétif toi qui ne savais pas monter le cheval le plus paisible ! Et dire que ce simple fait pouvait autrefois m’empêcher de dormir. Il y en a maintenant de plus graves pour troubler mes nuits prtant assez bonnes en ce moment.
Je suis navrée que tu ne puisses amener auprès de toi le pauvre [René] de Richemont. C’était pr sa mère [Hélène de Richemond, née Leenhardt, cousine au 3ème degré de Mathilde] un vrai réconfort que cette pensée.
Je suis tjours très occupée, très prise par les soins de bébé, et je ne puis quecrire [?] difficilement ces temps-ci. Nous n’avons pas Marie, cela augmente la besogne. Tante Berthe [Mazade, veuve de Marc Benoît] est venue déjeuner ; les dames Benoît ont passé l’après-midi. Na a fait tous les frais de la reception ; ta tante était ravie conquise par ce petit bout.
Hugo a passé la journée à Montpellier à cause de son procès avec Simonot qui se plaidait aujourd’hui. Maître Bernard de Paris bâtonnier à la Cour a parait-il été merveilleux et ton beau frère est revenu assez réconforté. Suzie est allée le chercher à la gare pendant ce temps j’ai donné le bain et c’est le soir seulement que je puis être à toi, bien ennuyée si mes messages de tendresse se font beaucoup attendre à cause de tes pérégrinations.
Comme je voudrais savoir où tu es, où te chercher ! Mais à ce moment même tu es peut-être loin encore de ce coin où je te crois.
Il fait terriblement froid et le charbon ns est mesuré ; maintenant c’est le gaz aussi. Je n’ose plus m’attarder à la nuit car le chemin de la Caraussanne est noir comme un four. Je suis devenue fort poltronne Je laisse volontiers sortir Suzie à ma place et ne demande qu’à prendre sa place au logis. C’est ainsi que j’abandonne nos quelques amis. Mme Néri [Jeanne Jalabert, épouse de Néri Julien] dont le mari est tjours assez malade et qui se plaint de mon abandon.
Nous avons eu hier avec ta sœur [mot illisible] Mme Frisch [Louise Cormouls, veuve Frisch] et sa fille [Olga Frisch veuve Benker], toutes deux bien douces et paisibles dans leur douleur.
Je te quitte mon aimé pr aller chercher le sommeil une vraiment bonne chose lorsqu’on peut le trouver.
Je pense sans cesse à toi aux heures bénies de notre chère et douce réunion et je t’envoie [mot illisible] de ma grande tendresse. 

Ta maman 

            Ce soir une lettre ravissante de Melle [Léo] Viguier que je t’enverrai demain.