mardi 22 novembre 2016

Front de Somme, 22 novembre 1916 – Jean à sa mère

22-11-16
            Maman chérie 

Suzanne : Les troupes en route vers Maurepas
Source : Louis Jean Auriac, poète agathois
            Nous voici encore au repos pendant peu de jours. Le plus dur est encore à faire, mais nous ne voulons pas y penser. Nous ne pensons qu’à dormir, à manger et à nous reposer. Baraquements à proximité du front ; interminable convoi d’auto et d’artillerie, boue, saucisses toutes proches, musiques militaires, ronflements d’avions. Abrutissement plat ou detente bruyante.
            Dans le milieu d’officiers dont je fais partie c’est la 2ème attitude qui domine. Nous faisons un petit cercle très gai, très fraternel, et le commandant n’est pas le dernier à donner l’exemple de la gaité et de la familiarité.
            On se remonte en somme très vite. On grate la boue, on nettoie les armes, on graisse les chaussures et tout est oublié.
            J’ai eu cette fois en ligne quelques heures de vrai spleen, la maison me paraissant tout particulièrement desirable, et j’avais une envie folle d’embrasser les bonnes joues roses d’Elna. Je ne desire pas moins revoir la maison, mais le spleen est passé.
            Pendant que je suis en train de t’écrire, on m’apporte ta lettre du 19. J’ai reçu ton paquet de linge. Merci beaucoup. J’ai tout ce qu’il me faut comme linge, + qu’il en faut. Fais ce que tu voudras de l’argent de [mot illisible], je n’en ai pas besoin pour le moment. On fait trop de bruit autour de moi, je m’arrete.
            Je t’aime bien, mais je ne sais pas te le dire.
Tendrement  

Jean