mardi 29 novembre 2016

Front de Somme, 29 novembre 1916 – Jean à sa mère

29-11-16
            Maman chérie, 

            Aujourd’hui journée de grand’air. Je suis parti à la nuit avec une cinquantaine d’hommes et nous sommes allés au travail. L’état des types qui descendre [sic] de 1ère ligne est indescriptible.
            Temps toujours très brumeux, mais pas de pluie heureusement. Notre abri est le même sejour de confortable et de securité, mais je ne crois pas que nous l’habitions encore longtemps.
            Pas de nouvelles aujourd’hui. Si tu voyais le bouleversement de ce pays. On parcourt des kilomètres sans voir autre chose que la terre brune ou blanche labourée par des marmites, avec des debris de toute forme et de toute sorte. Par ci par là, une touffe d’herbe ou le squelette d’un arbre rappelle qu’il y a une vraie nature.
            C’est l’heure du repas du soir. Je te quitte et t’embrasse avec toute ma tendresse. 

Jean

lundi 28 novembre 2016

Front de Somme, 28 novembre 1916 – Jean à sa mère

28-11-16
            Maman chérie, 

            Abrits somptueux à plusieurs mètres sous terre, avec couchettes, paille, etc. On part de là pour aller travailler le jour ; mais mon tour de travail n’arrive pas souvent, et je mène ma vie souterraine.
            Bref nous ne demandons qu’à rester là tant que le regiment sera en ligne. On est assis sur le bord de sa couchette, on lit ou on ecrit, ou on grignotte un biscuit à la lueur de la bougie ; de temps en temps une goutte d’eau s’écrase sur le papier, filtrée par la craie.
            Dehors une brume très epaisse et très froide.
            Voilà le courrier qui m’apporte une lettre de toi et une carte de Mlle [Léo] Viguier. Quelle peine tu as du avoir avec cette marmaille. Na [Elna Ekelund] et Lilou [Léon Benoît, fils de Georges Benoît et Suzanne Bergis] faisaient-il bon menage.
            Et la maison, n’avez-vous rien de nouveau en vue ? Et les locataires à qui tu avais sous-loué, les avez-vous balancé ? Et ton demenagement quand penses-tu le faire ?
            Ah ! le soleil, la lumière, la paix du Midi, et surtout la douceur du foyer ! Comme il me tarde d’avoir cette toute petite ration de 7 jours de bonheur.
            J’en reviens à notre vie puisque le moindre detail t’interesse tant.
            Nous sommes très bien ravitaillés Linpens monte presque tous les jours et nous apporte tout ce qu’il nous faut pour manger, boire et fumer – même des cigares de luxe. Kiki est toujours le même type débrouillard et nous procure tout.
            A propos de Linpens. Quelque chose qui t’interessera. Il se marie. Ou plutôt il attend avec impatience sa prochaine permission pour regulariser[1].
Adieu, maman cherie, je t’embrasse tendrement  

Jean
 
_____________________________________________________________
[1] Il se mariera effectivement le 29 décembre 1916 (cf. arbre Généanet de Lysiane Limpens). Merci à Christian Limpens d'avoir  remonté le fil, retrouvé l'identité de celui dont Jean orthographiait toujours le nom "Limpens", et de me l'avoir signalé.

dimanche 27 novembre 2016

Front de Somme, 27 novembre 1916 – Jean à sa mère

27-11-16
            Maman cherie, 

            En reserve comme hier. Les lainages et le feu luttent victorieusement contre le froid.
            Je bois mon café et je fume mon cigare, comme le dernier des bourgeois.
            Je reçois régulièrement tes lettres et c’est ma joie de tous les jours. Je t’ai fait envoyer par Mlle [Léo] Viguier les « Lettres de soldat » les as-tu reçues.
Tendrement  

Jean

samedi 26 novembre 2016

Sète, 26 novembre 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède le 26 Novembre 1916
            Mon bien aimé 

            Je viens de passer à nouveau des jours d’angoisse inexprimable et je n’ai su jouir de la présence de Geo. Ce soir en revenant avec lui du cimetière, Dieu soit béni ! ma fille chérie me donne ta lettre du 22 et ma joie est aussi inexprimable que mon angoisse. Elle est datée du 22. Se peut il que tu n’aies pas écrit entre le 18 et le 22 ? il a du se perdre de la correspondance et moi je n’ai pas vécu.
            Me voilà rassurée pr quelques jours mais tu me laisses entendre que les souffrances n’en sont qu’au début. Je suis bien malheureuse et me demande ce que tu en sais et comment tu le sais. Prquoi est-ce tjours vous qui êtes à la brèche ? Je n’ai pas su quel jour tu as été relevé !
            On attend ces lignes je ne puis écrire plus long ce soir. Nous venons de passer une soirée [mot illisible] familiale, Suzie ns a offert un petit lunch au lieu d’un dîner et Geo a infiniment joui de cette réunion. Il part demain matin. Tante Anna seule a fait faux bond, elle a été embrasser son fils à Montpellier.
            N’est-il pas question d’une permission. Avant le retour à la tourmente ? Oh que je voudrais !
            Tout le monde en masse t’embrasse et moi de tout mon cœur. 

Ta maman

Front de Somme, 26 novembre 1916 – Jean à sa mère

26-11-16
            Maman cherie, 

            Tu te plainds avec juste raison du laconisme de mes lettres.
            Pendant la dernière periode de tranchée qui a été en somme assez agitée pour nous – pour notre Cie seulement d’ailleurs, le reste du regiment a été très peu eprouvé – donc pendant cette periode il m’était difficile de t’écrire autre chose que des lambeaux de phrase. Ces journées beaucoup moins dures que certaines autres, ont été très tristes. Une boue inommable, comme on ne peut en voir de pareille que ds des tranchées d’argile, comme les nôtres ; du froid aussi ; et surtout la mort et les souffrances des premiers « classe 17 », qu’on nous avait donné. Mes souffrances à moi ont été uniquement morales. J’avais un abri où j’étais relativement protégé des obus, de la pluie, et du froid, mais ce privilège me pesait vraiment pendant que mes pauvres gars gelaient et mourraient.
            D’ailleurs nos pertes n’ont pas été comparables à celles des periodes de combat.
            Ensuite 4 jours de baraquement ; c’est assez pour se reposer, pas assez pour se desabruttir. Tous les officiers du bataillon partageaient la même baraque. Ce fut très gai par moment, trop bruyant parfois.
Il était vraiment + difficile encore de t’ecrire de là que des tranchées.
Le commandant [Rivals] preside toujours notre petit cercle avec entrain, bonté, simplicité. Le bataillon est très « famille » et très recherché à cause de cela par les officiers nouveaux venus. Il faut reconnaître qu’il a beaucoup gagné à ce point de vue depuis le depart du capitaine Baudin. Pas de nouvelles de ce dernier depuis longtemps. Nous avons un très chic colonel [Théron] aussi. Tu vois que je suis très bien partagé, et pourtant je souffre de + en + de ce que notre role d’officier à d’anormal. Bien souvent il consiste à charger nos hommes de fardeaux que nous ne touchons pas du petit doigt. Comme ils sont plus malheureux que nous !
J’ai reçu là bas un nouveau paquet de lainage (Rassurel, passe-montagne, etc) et des friandises de tante Fanny).
Maintenant nous sommes de nouveau en ligne, mais en reserve, bien à l’arrière, très peu marmités, pouvant circuler le jour sans être vus des boches et pouvant nous installer un peu et lutter contre le froid. Malheureusement, je ne crois pas que cela dure longtemps.
En route pour remonter j’ai reçu une lettre de [Albert] Mercier, m’annonçant que ses fiançailles sont rompues. Il a l’air horriblement triste, et je le comprends. Sa fiancée n’a pas eu le courage de devenir femme de pasteur.
Je reçois de nouveau très regulièrement tes lettres. Bien heureux pour toi de ce revoir avec oncle Geo [Georges Benoît].
Je vous souhaite beaucoup de trouver une maison. C’est peut-être là que je vous retrouverai, car ma permission me parait devoir être maintenant de + en + lointaine.
Reçois ma grande tendresse.  

Jean

vendredi 25 novembre 2016

Fin novembre 1916 – Renforts de la classe 17


Nous y recevons en renfort la classe 17 dont les débuts sont durs dans ces tranchées inorganisées, sans abris et passablement bombardées. La boue, dans laquelle nous pataugeons pendant le jour, gèle la nuit. Quelques-uns de ces pauvres gosses se font tuer à peine arrivés. La nuit ils s’endorment à leur poste de garde. Avec Replonge, devenu sergent, sur qui je puis compter, nous faisons sans cesse des rondes pour les réveiller et pour assurer nous-mêmes la surveillance.  

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie : La guerre)

  
Paul REPLONGE (1894-1968)
  
Paul Replonge est nommément mentionné trois fois dans les mémoires de Jean Médard : deux fois lors des combats de Verdun en juin 1916 et une fois pendant la bataille de la Somme à l’automne suivant. 

1 – Juin 1916 : Verdun
Le 16 juin 1916, à la nuit tombante, le 132ème R.I. quitte l’abri du tunnel de Tavannes « une infecte latrine » et rejoint ses positions à deux ou trois cents mètres du fort de Vaux qui vient d’être repris par les Allemands. Jean Médard écrit :
« Nous relevons un régiment de zouaves, c'est-à-dire que nous nous installons tant bien que mal à deux ou trois dans les entonnoirs que nos prédécesseurs occupaient. Notre compagnie est en deuxième ligne, malheureusement pour nous. Nos premières lignes, proches des lignes allemandes, sont moins pilonnées, les artilleurs allemands craignant de tirer trop court. Nous recevons ainsi double ration. Et il ne s’agit pas de petits calibres. Le fort nous domine. Aucun mouvement n’est possible de jour. 
            Je partage mon trou avec un de mes caporaux, un solide Picard, Replonge et un Ardennais, Toussaint. »
            Dans les jours qui suivent, les pertes sont terribles et de nombreux hommes de la section sont tués ou blessés autour d’eux[1]. De plus, tous souffrent cruellement de la soif. Le 20 juin, le nom de Replonge est à nouveau cité :
« Au petit jour un sergent de la huitième et trois hommes chargés de bidons d’eau arrivent de l’arrière à notre hauteur. Pour ravitailler leur compagnie ils sont allés jusqu’à la fontaine de Tavannes, à la sortie nord-est du tunnel, un endroit redoutable, sans cesse pilonné. Ils en sont revenus sains et saufs.
  Aspirant, nous allons nous installer à côté de vous si vous le permettez. Il fait trop jour maintenant pour que nous puissions regagner notre compagnie en première ligne.
– Vous êtes les bienvenus, mais les bidons que vous portez représentent pour nous un supplice de Tantale. Cette eau est pour votre compagnie, donnez-nous pourtant un fond de quart, de quoi nous humecter le gosier.
– Bien sûr aspirant.
Nous sommes là quelques-uns à recevoir quelques gouttes du précieux liquide. Nos nouveaux compagnons sont à peine installés dans un trou voisin qu’un gros obus tombe, tout proche. Des cris s’élèvent. Nous nous précipitons, Replonge, Toussaint et moi. Les porteurs d’eau sont enterrés sous une énorme souche que l’explosion de l’obus a soulevée et qui est retombée sur eux. Ce n’est pas trop de tous nos efforts pour faire basculer la souche et pour les délivrer. Ils sont indemnes, mais les bidons sont crevés ou vidés, l’eau est perdue, cette eau que nous aurions pu boire à longs traits. » 

            Jean a conservé un carnet où il avait listé les hommes de sa section à Verdun. C’est ce carnet qui nous apprend que Replonge (matricule 9676) appartient à la 8ème escouade. Il est de la classe 14 (donc né en 1894), originaire de Moreuil (Somme). Il est célibataire et sa profession dans le civil est « chauffeur mécanicien ». 
 
Source : carnet de Jean Médard
             
  
2 – Automne 1916 : bataille de la Somme
C’est dans l'extrait des mémoires cité en tête d'article, où on le voit aller en compagnie de Jean réveiller les jeunes recrues de la classe 17 qui s’endorment à leur poste, que Replonge "sur qui je puis compter", précise Jean, est nommé pour la dernière fois. On y apprend aussi qu’il est devenu sergent. (Sa fiche matricule indique que cette nomination date du 30 octobre 1916.)
            Pourtant, sa présence est implicite dans plusieurs lettres de fin novembre et début décembre, puisque Jean dit qu’il partage un trou avec ses sergents.  L’un d’eux est forcément Paul Replonge, dont la présence à ses côtés est explicitement mentionnée pour cette période de la bataille de la Somme. L’autre est sans doute Gabriel Grange, qui était déjà sergent à Verdun (l’autre sergent de Verdun, Clément Lefèvre, le « gouri », pour qui Jean avait beaucoup d’affection, avait été tué le 18 juin).  

            Dans ses mémoires, Jean décrit les violents combats des derniers jours de septembre 1916. Il évoque les tranchées qui « semblent avoir été creusées à travers un charnier. Ici une main sort de terre et semble vouloir nous arrêter au passage, là nous piétinons pour circuler dans la tranchée un corps recouvert de boue et presque complètement enterré dans le sol ». Il parle, sans jamais les raconter, « d’heures assez mouvementées » vécues le 1er octobre dans les ruines de Bouchavesnes. A noter que c’est à Bouchavesnes, le 29 septembre, que Paul Replonge a gagné sa croix de guerre (voir le texte de sa citation dans "Replonge retrouvé").
Dans ses lettres, Jean est très bref sur les combats et s’attache surtout, dans les semaines suivantes, une fois que le pire est passé, à rassurer sa mère en décrivant les abris de manière idyllique : « Abrits somptueux à plusieurs mètres sous terre, avec couchettes, paille, etc. On part de là pour aller travailler le jour ; mais mon tour de travail n’arrive pas souvent, et je mène ma vie souterraine.
            Bref nous ne demandons qu’à rester là tant que le regiment sera en ligne. On est assis sur le bord de sa couchette, on lit ou on ecrit, ou on grignotte un biscuit à la lueur de la bougie ; de temps en temps une goutte d’eau s’écrase sur le papier, filtrée par la craie. » (Lettre du 28 novembre.)
            Quelques jours plus tard (le 7 décembre), Jean décrit un moment paisible « Dans notre abri bien clos, bien eclairé, mes sergents font leur petite cuisine du soir. Ça sent bon, il fait bon, le canon se tait. On oublie la guerre. »
 

3 – Décembre 2016 : Replonge retrouvé
            Jamais Jean ne mentionne le prénom de Replonge. Mais il est sergent au 132ème R.I., et cela permet de dénicher un message laissé par son petit-fils, Guillaume Decerf, sur Pages 14-18. Ce message donne son prénom : Paul.
            A partir de là, il est possible de tirer le fil, et de trouver la trace de Paul Replonge sur le site Les escadrilles françaises de la Grande guerre, sur Mémoires de la Somme et sur Généanet.
            Les descendants de Paul Replonge ont communiqué à Mémoires de la Somme des documents et une biographie reproduite ci-dessous, ainsi les photos qui l'illustrent. (NB : la partie concernant l’affectation de Replonge dans l’aviation a été résumée.) 
 

Source : Mémoires de la Somme
           « Paul Replonge est né à Moreuil le 3 septembre 1894. Il est le fils d'Auguste Replonge, tonnelier à Moreuil, et de Marie Léonice Grimaux. Il a un frère […] et une sœur [...]. La famille habite rue veuve Thibauville à Moreuil.

Paul Replonge est incorporé au 132e régiment d'infanterie à compter du 1er septembre 1914. Il participe aux batailles des Eparges, de Verdun et de la Somme (dans le secteur de Bouchavesnes, en septembre 1916). Il est cité à l'ordre de la brigade le 4 novembre 1916 : "N'a pas hésité à se porter en dehors du boyau, pour chercher une position de tir, a pu ainsi contribuer dans une large mesure à arrêter une contre-attaque ennemie, par le tir précis et efficace de son fusil mitrailleur le 29 septembre 1916". Il obtient la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Le 1er septembre 1917, il passe dans la réserve active et est affecté au service de l’aviation comme élève-pilote. Il passe tous les brevets le menant finalement à celui de pilote militaire le 30 juillet 1918.

Source : Mémoires de la Somme
           Il est rayé du personnel navigant le 23 novembre 1918 et rejoint son corps d'origine, le 132e régiment d'infanterie. Il contracte la grippe espagnole et est évacué malade le 7 décembre 1918. Il rentre d'évacuation le 5 janvier 1919, mais il est évacué malade une nouvelle fois le 29 janvier 1919. Il rejoint son corps le 4 mai et est démobilisé le 12 août 1919.

Le 16 août 1919, il épouse Fernande Quénel à Saint-Just-des-Marais (Oise). A partir de 1921, il s'installe à Amiens.
            Paul Replonge a une relation extra conjugale avec Yvonne Decerf (1914-2007). De cette relation naît en 1957 un garçon, Philippe Decerf.
Paul Replonge est décédé le 23 juin 1968 à Amiens. »
 
                Cet encart est publié avec l’accord de Guillaume Decerf, que je remercie vivement.

HF (13/12/2016)
   



[1] Le carnet de Jean Médard donne les chiffres précis : en quatre jours, entre le 18 et le 21 juin 1916, sur les 54 hommes de sa section, 8 sont tués, 15 blessés et 1 est porté disparu. La 6ème escouade paye le plus lourd tribut avec 5 tués et 3 blessés sur un total de 14 hommes.

Sète, 25 novembre 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède, ce 25 Novembre 1916 

            C’est encore au milieu d’une agitation indescriptible que je t’envoie un peu de tendresse, cela m’est indispensable ; mais moi je n’ai pas ce que j’attends avec anxiété. Hier rien, ce soir je suis suspendue au courrier. Si je suis encore déçue, les papillons noirs feront leur œuvre désastreuse.
            Après le déjeuner Alice Herrmann est arrivée avec des jouets dans les bras, Madeleine [Benoît] a passé à son tour avec bébé [Pierre] Benoît [fils de Lucien Benoît et Yvonne Bouscaren] et dans cette etroite veranda ns quatre et les trois bébés c’est un peu trop de mouvement [les deux autres étant Elna Ekelund et Léon « Lilou » Benoît, fils de son frère Georges]. Je manque de recueillement.
            J’ai eu ce matin par Melle [Léo] Viguier « les lettres d’un soldat » Si tu savais combien cet envoi venant de toi m’a fait de bien. Il me tarde de pouvoir le lire dans la solitude et le calme, cela me paraît magnifique par les quelques lignes que j’ai parcourues. Merci mon bien aimé de tout mon cœur.
            Ah ! comme je manque de détails et que je souffre de tout ce que je me figure bien au dessous de la réalité [mot illisible] je suis sûre.
            Dis moi bien vite si tu as tjours des « totos » et si tu veux que je t’envoie quelque chose pr les combattre.
            Ces demoiselles attendent ces lignes et me chargent de bien des choses affectueuses et de leur sympathie.
            Moi je t’envoie tout ce qu il y a de tendre dans mon cœur. 

Ta vieille maman

Front de Somme, 25 novembre 1916 – Jean à sa mère

25-11-16
            Maman chérie, 

            Ça va toujours.
            On remonte.
Tendresses 

Jean

jeudi 24 novembre 2016

Front de Somme, 24 novembre 1916 – Jean à sa mère

24-11-16
            Maman chérie, 

            Pas le temps de t’écrire longuement.
            Encore dans nos baraquements jusqu’à demain. Ça a été court, mais en somme reposant ; nous avons été favorisés par le temps, vraiment beau hier.
            A demain ; tendrement à toi.
Jean

 

mardi 22 novembre 2016

Front de Somme, 22 novembre 1916 – Jean à sa mère

22-11-16
            Maman chérie 

Suzanne : Les troupes en route vers Maurepas
Source : Louis Jean Auriac, poète agathois
            Nous voici encore au repos pendant peu de jours. Le plus dur est encore à faire, mais nous ne voulons pas y penser. Nous ne pensons qu’à dormir, à manger et à nous reposer. Baraquements à proximité du front ; interminable convoi d’auto et d’artillerie, boue, saucisses toutes proches, musiques militaires, ronflements d’avions. Abrutissement plat ou detente bruyante.
            Dans le milieu d’officiers dont je fais partie c’est la 2ème attitude qui domine. Nous faisons un petit cercle très gai, très fraternel, et le commandant n’est pas le dernier à donner l’exemple de la gaité et de la familiarité.
            On se remonte en somme très vite. On grate la boue, on nettoie les armes, on graisse les chaussures et tout est oublié.
            J’ai eu cette fois en ligne quelques heures de vrai spleen, la maison me paraissant tout particulièrement desirable, et j’avais une envie folle d’embrasser les bonnes joues roses d’Elna. Je ne desire pas moins revoir la maison, mais le spleen est passé.
            Pendant que je suis en train de t’écrire, on m’apporte ta lettre du 19. J’ai reçu ton paquet de linge. Merci beaucoup. J’ai tout ce qu’il me faut comme linge, + qu’il en faut. Fais ce que tu voudras de l’argent de [mot illisible], je n’en ai pas besoin pour le moment. On fait trop de bruit autour de moi, je m’arrete.
            Je t’aime bien, mais je ne sais pas te le dire.
Tendrement  

Jean

vendredi 18 novembre 2016

Front de Somme, 18 novembre 1916 – Jean à sa mère

18-11-16
            Maman chérie, 

            Neige, pluie, cloaque.
            J’ai reçu tes lettres des 12, 13, 14. Un peu de lumière dans notre tristesse. Tout mon monde est courageux et vaillant et patient.
            Bien heureux de savoir tante Fanny mieux. Très interessé par la lettre de tante Anna.
            Te voilà probablement de retour à Cette. Je comprends trop bien ta deception et je t’assure qu’elle est bien partagée. Je te fais envoyer les « lettres de soldat ». Tu verras comme c’est beau. Ça te consolera.
Tendrement à toi 

Jean

mercredi 16 novembre 2016

Front de Somme, 16 novembre 1916 – Jean à sa mère

16-11-16
            Maman chérie, 

            Je t’ecris au milieu de la nuit, du fond de mon petit abris. Nuit magnifique, sereine, qui semble toute étonnée du chahut d’en dessous.
            Je ne sais encore où te chercher par la pensée.
Tendrement  

Jean

mardi 15 novembre 2016

Front de Somme, 15 novembre 1916 – Jean à sa mère

15-11-16
            Maman chérie, 

            Me revoici à la 5ème. J’ai retrouvé ma section avec plaisir, et elle moi.
            Il fait froid et sec, mais tout vaut mieux que la boue ds le terrain argileux où ns vivons.
            Je t’écris à Cette ne sachant pas où te chercher. Car naturellement les lettres ne m’arrivent plus avec tous ces changements de compagnie et d’affectation.
Tendrement  

Jean

lundi 14 novembre 2016

Front de Somme, 14 novembre 1916 – Jean à sa mère

14-11-16
            Maman chérie, 

            Rien de bien neuf à te raconter. Le temps est triste et notre vie aussi. Je passe le plus clair de mon temps à lire, un interminable bouquin de Claude Farrère pour le moment. Reçu une bonne carte de [Albert] Léo.
Tendrement  

Jean

dimanche 13 novembre 2016

Front de Somme, 13 novembre 1916 – Jean à sa mère

13-11-16
            Maman chérie, 

            J’ai retrouvé mon vieux secteur avec une joie qui n’est pas sans melange. Je fraternise de nouveau très étroitement avec la boue et les « totos ». Mais tout est beaucoup plus calme qu’autrefois. Je ne suis plus ni à la 5ème, ni à la 6ème. J’ai été affecté hier aux canons de 37, Soula étant revenu ce matin, je suis maintenant affecté jusqu’à nouvel ordre à la 7ème, où j’ai eu le plaisir de retrouver [Roger de] La Morinerie et où ns ns consolons ensemble de nos illusions perdues.
Tendrement  

Jean

samedi 12 novembre 2016

Front de Somme, 12 novembre 1916 – Jean à sa mère

12-11-16
            Maman chérie, 

            Impossible, absolument impossible de venir en permission pour le moment. Il faut mettre une grande ceinture, comme disent les poilus.
            Nous sommes en lignes.
            Dis à Mme Gétaz, si tu es encore à Marseille, avant d’en partir que j’ai revu ce matin la tombe de son fils. En très bon état, avec son nom sur une croix, côte à cote [1]
Source : blog http://www.varreddes.com/

                     Lt Blaise
                    Ss Lt Bouttée
                    Asp. Gétaz
                  Adjud. Dejardin
            La tombe sera très facile à trouver.
            Le  secteur s’est beaucoup calmé.
       Tendrement, très tendrement 

Jean




Source : Mémorial GenWeb


[1] Dans sa lettre, Jean Médard orthographie « Boutet » et « Desjardins ».

vendredi 11 novembre 2016

Novembre 1916 – Retour en ligne


Le 11 novembre. Je suis très déçu lorsqu’il faut remonter en ligne sans avoir obtenu de permission de détente. Je suis affecté successivement à la 6ème et à la 7ème avant de rejoindre la 5ème  compagnie. Notre secteur s’est un peu assagi, mais nous fraternisons de nouveau très étroitement avec les « totos ». Longues semaines de cafard avec alternance de séjour en ligne ou de demi-repos dans les baraquements de l’arrière-front.  

Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie : La guerre)

Front de Somme, 11 novembre 1916 – Jean à sa mère

11-11-16
            Maman chérie, 

            Je crois qu’il faudra renoncer à la permission pour cette fois ci, et que tu peux retourner à Cette. Attend encore un  jour si tu peux pour être plus sure.
            Nous retournons en ligne. Mon bataillon y est déjà. Mais le secteur est très assagi.
Tendrement  

Jean