samedi 9 juillet 2016

Sète, 9 juillet 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède le 9 Juillet 1916
            Mon Jeanot chéri 

            Je suis bien gâtée aujourd’hui. Ce matin une carte du 4. Ce soir Dimanche au retour de notre réunion du Dimanche tjours avec Mr Corteel professeur d’Anglais interprète ici arrive ta carte du 7 qui me surprend beaucoup. Faut-il se réjouir ? Je ne sais plus. Les choses changent si vite de figure ! Tu n’es pas content ! Tu quittes le connu auquel tu es fait par la force des choses pr l’inconnnu ! Mais si c’est un privilège et si tu es privilégié c’est que tu es remarqué : tu as fait ce qu il faut pr cela et je voudrais savoir surtout ce qui a valu cette citation. Je sais que tu fais tjours ton devoir et au-delà mais enfin qu’est ce qui l a motivé ? et puis pour moi tu es à l’arrière pour quelque temps et je veux dire « Merci mon Dieu » de toute mon âme. Bien assez vite viendront encore les heures noires où pour moi, la vie s’arrête.
            Cependant de bonnes nouvelles circulent. Pendant cette offensive de la Somme, les pertes sont minimes parait-il ? Ah ! si elles pouvaient ne plus être du tout ! Mmes Frisch et Benker sortent d’ici. Elles se sont beaucoup informées de toi. Mr F. écrit de bonnes choses – il voit tout en beau. Il questionne des prisonniers. Il affirme que tout est bien. Espérons, espérons encore, et cela aidera à vivre.
            Je suis contente que tu sois avec Mr [Edouard] Gétaz. Il est moins laconique que toi dans ses lettres à sa mère. Tu me dis si peu ! Quand seras-tu nommé s-lieutenant ? et quand seras-tu décoré ?           Je suis attristée que tu sois séparé de tes camarade de ta section, où tu vas certainement t’attacher à nouveau ces pauvres enfants mais retourneras-tu au 132. Ne seras-tu pas changé ?
            Je te quitte mon brave enfant pr le diner qui est avancé à cause de Mr Corteel que son travail appelle à huit heures. Nous avons Madeleine [Benoît] toute la journée. Sa mère rentre Mardi.
            Ce que tu me dis au sujet de ta permission ne m’étonne pas et ce ne peut me desoler completement car je n’ai jamais osé compter sur ce bonheur. Pourtant ce serait un droit avant de retourner dans la tourmente.
            Je n’ose pas même demander à Dieu ayant peur de trop demander. Je ne demande qu’une chose : qu’il te garde et te ramène un jour ! Jusqu’ici je suis apaisée tu as été gardé.
            N’as-tu pas reçu encore ton costume ? Je vais me le faire payer. Il y a un mois que je l’ai expédié. Ecris au dépôt pour réclamer.
            Reçois les plus tendres caresses de ta mère. Tendresses de tous. Baisers d’Elna.