lundi 4 juillet 2016

Sète, 4 juillet 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède le 4 Juillet 1916 

            Oh si cette régularité dans notre correspondance existait ainsi toujours. C’est si réconfortant de recevoir une pensée tous les jours, si petite soit-elle. C’est aussi quelquefois terrible d’apprendre d’horribles choses qui vous glacent le sang mais on aime mieux savoir. Oh, oui, bien mieux, tout de même.
            Sera-t-il long ce repos ? aurai je quelques jours d’accalmie, et toi de repos si necessaires ? Ah combien je comprends la brisure, la meurtrissure du corps et celle de l’âme !
            Je ne peux écrire que laconiquement très prise aujourd’hui par Na qui est tuante à garder. La nounou est sortie pr des commissions, sa maman est allée à Montpellier voir Alice Herrmann à la veille de passer son bachot, et malade au fond de son lit. Mme Neri sort d’ici pr ses adieux avant de monter à Lacaune et « Na » échappe à ma surveillance, elle va manger de la terre, se vautrer dans l’eau qui court sur la terrasse je ne puis rien faire, elle sera terrible.
            Comme j’aime à me représenter ta section avec son cher petit chef en tête mangeant des fraises en plein bois. Que c’est loin des terreurs passées prtant si proches et que je suis allégée de te sentir allongé le soir dans un lit !
            Combien douloureuse à écrire a du être ta lettre aux Lefèvre. Je pense à eux sans cesse. Etait il marié ? un gentil garçon ? et le grand sergent major et le fourrier que sont ils devenus ?
            Ou penses-tu aller après le repos ? Je ne puis y penser.
            Adieu bien aimé de mon âme. Je t’aime. Oh ! combien ! 

Ta maman