lundi 18 juillet 2016

Sète, 18 juillet 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède ce 18 Juillet 1916 

            C’est évidemment une vie bien différente de celle aux jours noirs que tu as connus il y a si peu de temps mais j en suis heureuse, heureuse. Je voudrais seulement que tu ne prennes pas trop goût au Champagne ! attention. Je cours vite en ville chercher de l’argent et l’expédier ; je n’ai pas eu un instant de la journée. Tante Anna m’attendait et il m’a été impossible d’y aller. « Na » est très sage en ce qu’elle ne fait pas la moindre scène ni entendre le moindre pleur mais il faut la surveiller tout le temps comme le lait sur le feu. Elle a fait le petit âne tout le jour, hi ha hi ha et des baisers passionnés à oncle Jean avec sa petite main. Je lui fais néanmoins mener une vie très calme car elle est effrayante. Son sommeil est agité de rêves ! elle pleure doucement sur quelque chagrin de rêve, puis elle se jette de droite à gauche, va jeter ses pieds à sa tete ; se lève, recouche – dans la journée le sommeil est calmé. Il faut veiller.
            Tante Anna me prie de te dire que les plus jolis et solides costumes d’officiers se trouvent à la « Belle Jardinière » à Paris. Lucien [Benoît] s’est acheté là un costume en drap très léger qui équivaut à la toile.
            Bien vite car je cours à la poste.
            Tendresses infiniment tendres.