mardi 12 juillet 2016

Peloton d’instruction divisionnaire, 12 juillet 1916 – Jean à sa mère

12-7-1916
            Maman cherie, 

            Je reçois à l’instant tes lettres des 7 et 8, qui m’interessent bien.
            Régulièrement je reste 2 jours sans lettre, puis le 3ème jour, 7 ou 8 rappliquent à la fois.
            Tu trouves que je suis laconique. C’est un peu vrai. Mais le passé, j’aime mieux ne pas trop en parler. Le présent n’est pas très interessant, et le futur est toujours mysterieux.
            Je ne suis pas encore décoré ; mais ça viendra. Ne t’en fais pas.
            Je ne suis pas encore ss-lieutenant, mais ça viendra aussi. Je te dis ça viendra parceque mon chef de bataillon à l’air de me gober et c’est lui-même qui a insisté pour l’une et l’autre chose.
            Les paquets il ne faut pas t’en faire non plus. Avec le chocolat ns avons fait du chocolat cuit. Les boites de conserve ns les avons mangées comme hors d’œuvres, pour ne pas trop m’emcombrer, mais j’en ai gardé quelques uns en previsions d’autres coups durs.
            L’argent j’en ai bien assez, surtout depuis que j’ai reçu celui de Suzon.
            Je depense beaucoup au repos – il est difficile de faire autrement, mais je gagne près de 3 frs par jour et tante Fanny ne m’oublie pas.
            Si je suis nommé ss-lieut. je te ferai une delegation de solde, naturellement, mais comme on est entrainé à encore plus de frais, je serai peut-être obligé de te demander de temps en temps de l’argent. Je ne suis pas sur que la demi solde soit absolument suffisante.
            Demain ? ?
            Jusqu’à maintenant j’avais très peur que le regiment participe à une action + ou – vive avant que je puisse partir en permission.
            Mais maintenant je ne crois pas. J’ai l’impression que notre repos va finir bientôt, mais que ns prendrons un secteur un peu tranquille pendant quelque temps. Actuellement je ne pense qu’à ça : le revoir.
            Dis à Suzon que son pippermint est très bon et que très souvent ns ns sommes raffraichi avec ces jours-ci ; mais tout ça comme le reste se trouve ici et ds les villes voisines, où nos cyclistes vont quand ils veulent.
            Reçu une bonne lettre de [Albert] Léo toujours courageux, affectueux, solide. Carte de Mlle [Léo]Viguier. Elle fait tous les jours un peu mieux avec enthousiasme la découverte de [Daniel] Loux.
            Oncle Georges m’écrit aussi une bonne carte en reponse à un mot de moi lui donnant de mes nouvelles. Il ne pense pas rester bien longtemps encore ds sa brousse.
            Je te quitte. Je veux avant de me coucher faire une petite promenade. La campagne est belle à cette heure.
Très tendrement 

Jean