mercredi 1 juin 2016

Vraux, 1er juin 1916 – Jean à sa mère (lettre codée)

[Le système de pointage clandestin que Jean a mis au point avec sa mère permet de savoir que cette lettre a été écrite à Vraux (codé Vrau). Voir les 3ème et 4ème lignes, "... où nous avons vécu pendant 6 mois, où nous avons passé des journées un peu lourdes mais que nous regrettons sûrement."]
 
1-6-16
            Maman cherie 

            Moi non plus je ne t’ai pas ecrit hier et, comme toi, c’est à cause de mes deplacements. Oui ! hier nous avons quitté le coin de terre où ns avons vécu pendant 5 mois, où nous avons passé des journées un peu lourdes mais que nous regretterons surement Nous ne le regrettons en tout cas pas pour le moment. Après quelques kilomètres à pied nous avons trouvé un convoi automobile qui nous à amenés loin du canon. Court trajet d’ailleurs [entre Mourmelon, son cantonnement précédent, et Vraux : 20 km]. Si nous restons quelque temps ici je ne desespère pas de voir oncle Georges. Nous savons tous que nous quittons du mauvais pour du pire, mais nous étions tous dans la joie de changer, comme des gosses. Du voyage pas grand chose à dire : Dès le depart nous sommes entrés dans un nuage de poussière, d’où ns sommes sortis à l’arrivée. Quand la poussière n’était pas trop forte on voyait les cubes gris se courir après à travers le nuage blanc, et parfois à droite et à gauche des eblouissements de verdure. La verdure ! que c’est reposant. Ici nous nageons dedans. Il me semble qu’elle me donne des forces ; je me vautre dans les prés en disant aux grands arbres et aux brins d’herbes qu’ils sont mes frères. Le village est gai quoiqu’il ait été meurtri en Septembre 1914, quelques jours avant la bataille de la Marne.
Source : Wikipédia
Le clocher en particulier, d’un roman assez joli a beaucoup souffert. 
 

 
Les habitants sont acceuillants pour la troupe. Nous sommes sortis d’auto tout blancs de poussière. Un de mes hommes s’est tordu de rire en me voyant et me disait « Oh ! mon aspirant ! vous avez les « mirettes » (moustaches) toutes blanches ».
            De grosses fermes champenoises avec d’immenses granges où nous cantonnons ! des canaux, des ruisseaux…. malheureusement ! car un des hommes de la compagnie vient de se noyer [Louis Gérard]. C’est vexant de disparaître comme ça, au repos.
Source : JMO du 132ème R.I. - 1er juin 1916
             A midi les off. de la Cie ont invité à dejeuner tous les sous-off. Ce fut plantureux et gai, presque trop.
            Bourdonnement de cloches, chant d’oiseaux…. des civils, des petits enfants… Nous revons. Je viens de recevoir ta bonne lettre du 28. Merci. 

Mille tendresses à tous 

Jean