vendredi 24 juin 2016

Sète, 24 juin 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède 24 Juin 1916
            Mon Jean bien aimé  

            Je t’écris de notre petit jardin ou il fait déjà bien chaud et je songe avec mélancolie à ce que tu as à supporter, à ce que tu supportes sans doute mon enfant chéri pour qui je donnerais ma vie si volontiers si elle pouvait t’enlever, t’épargner de la souffrance ! mais je ne puis rien, rien pour toi que prier, prier sans me lasser et t’envoyer à travers la distance toute mon âme. Si je ne puis t’enlever ta souffrance, Dieu est près de toi pr t’aider et pr te tendre sa main secourable.
            Je ne sais toujours rien de toi depuis quelques jours. Je reçus le 21 une carte du 14 et depuis j’attends toujours avec angoisse. Que Dieu ait pitié de nous.
            Na t’envoie un baiser de sa mignonne petite main. Si tu savais comme elle embrasse ta photo ! Elle devient si intéressante. Je pense qu’après ces jours terribles que tu passes tu auras un congé. J’ai rencontré en route revenant de Marseille des soldats qui allaient en congé après être allés à Verdun et je m’arrête parfois à cette idée en tremblant déjà d’émotion. Quel beau jour ce sera.
            Visite de Mme Brun. Son fils trouve le temps très long et écrit bien mélancoliquement.

            Nounou attend ma lettre pr l’emporter je n’ai plus que le temps de t’envoyer de douces caresses. 

Ta vieille maman