vendredi 10 juin 2016

Sète, 10 juin 1916 – Mathilde à son fils

Villa de Suède, ce 10 Juin 1916
            Mon chéri, 

            Tranquille journée au calme, près de toi toujours. Mais voilà que forcément après avoir été très privilégiée, très gâtée, je dois rester quelques jours sans nouvelles ; il faut leur laisser le temps d’arriver, les quatre jours de rigueur et pendant ce temps je me morfonds. Où es-tu ? Mon aimé mon bien aimé ! Les temps sont de plus en plus sérieux. On sent il le semble du moins, que les évènements se précipitent ; on le désire, et cette pensée nous angoisse horriblement. Voilà les Russes qui font de la belle besogne. Nos vaillants soldats font aussi tout ce qu’ils peuvent. Mais ils ont du céder ce fort de Vaux convoité devant les moyens coutumiers à l’ennemi et l’on supplie Dieu à genoux lorsqu’on songe que l’on peut avoir son fils dans la même tourmente.
            J’ai aujourd’hui la petite modiste Marie Agon [?] pr rafraichir mon chapeau ; elle me dit que Artignan que tu dois connaitre a été dégradé, était redevenu simple soldat parce qu’il se blessait volontairement. Je plains bcoup ses parents.
            Demain Pentecôte ; je souhaite que tu sois au repos que tu puisses réunir tes protestants et les fortifier. Que l’Esprit de Dieu te guide et te soutienne. Je serai plus que jamais en pensée avec toi.
            Je pense aller ce soir au culte.
            Adieu mon fils chéri. Je t’embrasse de toute mon âme. 

Ta mère
Math P Médard