dimanche 19 juin 2016

Marseille, 19 juin 1916 – Mathilde à son fils

Villa Svéa le 19 Juin 1916
            Mon fils bien aimé 

            Que de choses je voudrais te raconter ! à la fois mes impressions de tristesse, ma peine profonde adoucie, très adoucie par la lumière qui émanait de ce lit de mort ! Jamais une paix pareille. Ce n’était pas la mort qui était entrée dans cette maison mais la vie et Dieu est bon d’avoir donné le temps à cette âme de se tourner vers lui d’une façon si absolue, par un abandon de soi si complet. Le détachement a été si parfait qu’il n’a plus désiré des obsèques qui auraient réuni tous ses amis des honneurs qu’il aimait. Il a dit à Mr Bonnefon. Je resterai ici et à peine quelques parents et amis ont accompagné sa dépouille. J’aurais voulu oh combien pouvoir lui demander pardon de la peine que je lui ai faite, cela Dieu n’a pas permis.
            Tout le temps que j’ai passé là-bas, je me demandais si c’était bien moi qui étais là et moi aussi dans ce cadre merveilleux qui m a éblouie. Cette journée au Tregas me laissera des souvenirs inoubliables. Hier encore à St Raphael seule avec tante Fanny j’ai joui de tout cet admirable panorama qui s’est déroulé devant mes yeux. Le matin ns avons fait une superbe promenade en voiture à Fréjus à ……… bois de pins remplis de villas merveilleuses. Le soir nous avons dîné ici en famille avec les Picard. Edouard s’est informé de toi, de toutes nos anxiétés avec cœur et affection ; il espère prolonger ici de quelques jours.
            J’ai trouvé ici, envoyé par Suzie ta carte du 10 et j’ai eu ce matin celle du 12. Je pense que à cette heure tu es peut-être au terme de ce nouveau déplacement ; que Dieu soit avec toi mon grand aimé de fils qu’il nous soutienne, qu’il te soutienne et te garde cette belle endurance dans ta force, ton courage. Qu’il me garde mon fils…
            Je suis évidemment très nerveuse. Je ne puis dire Que ta volonté soit faite. Mais Dieu me donne prtant une force et une confiance que je ne croyais jamais posséder.
            Mon billet me donne jusqu’à Mercredi soir. Je partirai ce jour là à 7 h du soir.
            Bonnes et douces tendresses de ta mère bien affectionnée 

Math P Médard 

            Oncle Marc a laissé le peu qu’il possédait à sa femme ce dont nous sommes heureuses, ta tante Fanny et moi.