vendredi 9 octobre 2015

Sète, 9 octobre 1915 – Mathilde à son fils

Cette, le 9 octobre 1915
            Mon cheri, 

            J’ai eu à midi ta bonne lettre bien interessante ; j aurais voulu y lire le résultat que j’attends mais je prends patience en sentant que tu te trouves bien dans un pays interessant, pittoresque ou tu as à voir puis tu auras eu Jean Lichenstein et de cela je me rejouis bien pr toi. Tu peux un peu écrire et cela te fait vivre avec ceux que tu aimes.
            Je souffre bien de ne pouvoir écrire à personne et bien des amis me demandent prtant des nouvelles. Gaston Nézée [?] t a écrit pr te prier de lui en donner. Il est à Montpellier à la Sous Intendance. As-tu reçu une première lettre que j’ai adressée à Châtelaudren ? Je n’ai pas écrit plus tôt n ayant pas ton adresse exacte. Je suis navrée que tu sois si longtemps sans nouvelles.
            Elles sont bonnes. Suzie remonte doucement le courant, mais elle est tjours faible ; pr longtemps je crois si non au lit du moins sur la chaise longue. J’ai pour longtemps aussi le souci du menage et de notre petite qui prospère à vue d’œil mais me donne grand peine de jour et de nuit. Je ne m’arrête pas un instant, aussi je délaisse tante Anna ce qui m’est une vraie peine !
            Pauvre tante Anna. On dit qu’elle arrive cette semaine. Je ne puis songer à sa vie dépouillée sans une poignante douleur.
            Oh les tristesses se succèdent sans interruption. J’ai reçu à midi un mot de tante Elise m’annonçant la mort d’oncle Louis [Médard] survenue chez son ami Renaud. Cela ne me surprend point ; je l’ai trouvé si malade cet hiver ! Mais je songe au coup que cela porte encore à ta tante Jeanne et à ta tante Elise [les deux sœurs de Louis Médard] ! Cette dernière a du partir hier au soir. Je n’ai aucun détail.
            Jane Picard tjours garde malade chez Suzie songe à nous quitter Lundi et je me demande comment je vais suffire à la tache ! J’insiste pr qu’elle parte comprenant combien elle a hâte de retourner un peu chez elle et de retrouver les blessés qui arrivent nombreux.
            Ns avons eu Oscar Iskander à prendre le café. Il est si profondément triste qu’il fait pitié.
            Voilà Elna qui m’appelle pr son bain. Il faut quitter pr cela oncle Jean que je délaisse un peu, à qui je n’écris plus que tous les deux jours. Mais le cœur et toutes les pensées sont là-bas avec lui à l’autre bout de notre cher pays. Dieu veuille que tu y restes longtemps à l’abri du terrible fléau.
            Mon bien aimé, je t’embrasse de bien loin mais avec une infinie tendresse. 

Ta mère affectionnée
Math P Médard

Tu écriras tout de suite à tes tantes.