mercredi 7 octobre 2015

Sète, 7 octobre 1915 – Mathilde à son fils

Cette, le 7 octobre 1915
            Mon enfant cheri, 

            J’ai reçu à midi ta lettre datée de Châtelaudren et cela a été pr moi une vraie tranquillité ; un peu d’apaisement dans mes tourments. Il me tardera maintenant de savoir ce que le major a décidé ! Quel est ton sort ! Je me ronge de ne pouvoir t’écrire je n’ai pas un instant à moi, ni nuit ni jour ; Marie a perdu son beau frère et ns a donc quittés pr aller voir sa pauvre sœur. Ns en étions réduits hier au service d’Alice et tu penses malgré sa bonne volonté combien cela était insuffisant. L’excellente Mme Néri prévenue s’est mise en campagne et ns a procuré une brave femme qui vient le matin a la place de Marie et fait son possible.
            Jane est encore là, mais je sens maintenant son désir de rentrer et je la rends libre. Elle ns quittera donc Dimanche ou Lundi, j’aurai un grand surcroit d’occupation et ne sais comment je m’en tirerai. Mais, si je puis y tenir, c’est pr voir bien précieux de ne pouvoir m’appesantir sur mon chagrin.
            Et ai-je le droit d’en parler quand je songe à celui de tante Anna ? Ci-joint une carte d’elle reçue ce matin. Tu la trouveras là encore plus admirable que jamais. C’est sublime ! pauvre pauvre tante Anna ! Quelle vie devant elle ? Quel hiver ! Ses amis Julien partent Dimanche. Moi je suis tenue pr bien des semaines. Comment pourrai-je l’entourer beaucoup ? Hugo très filial, très bon, m’a dit hier qu’il s’occupait de chauffer ma chambre, qu’il ne pensait pas que je songe à les quitter cet hiver. Pr le moment, mon chéri, mon devoir est tout tracé que ferait Suzie ?
Source : Mémorial GenWeb
          J’ai appris hier encore avec le desespoir au cœur la mort de Gaston Dautheville [cousin éloigné du côté Leenhardt]. Il laisse jeune femme et enfant ! ou cela s’arrêtera t il et quand ? A t on jamais vécu dans les temps recules des heures plus tragiques ?
            Combien j’ai été heureuse pr toi de cette journée passée à Paris. Quelles douces heures tu as eu là j’en bénis Dieu.
            Et maintenant c’est la vraie solitude du cœur – elle me parait aussi immense à moi ! Que Dieu soit là tout près. Avec lui, je sais que tu n’es jamais seul.
            Ns pensons à toi sans cesse. Alice Herrmann est venue hier et s’est bien informée de toi. Elle compte venir ns voir le plus possible ; je ne vois que Mme Néri et tante Jenny quelquefois.
            Tu as bien fait de prendre une chambre ; il faut avant tout avoir un « chez soi » si tu avais emporté de quoi faire un peu de thé ! Je t’entends d’ici, je deraisonne et te quitte bien vite pr que le laitier emporte ces lignes.
            Vite bien vite des détails.
            J’aurais voulu te cacher longtemps la mort de Pierre pr ne pas assombrir encore ton arrivée là-bas. Il fallait prtant te le dire.
            Ns t’embrassons et [mot illisible] avec mon cœur bien triste mais tout plein de toi. 

Ta bien vieille Maman