lundi 19 octobre 2015

Sète, 19 octobre 1915 – Mathilde à son fils

Cette, le 19 octobre 1915
            Mon cher grand, 

Mathilde Médard et sa petite-fille Elna Ekelund
            Voilà la troisième journée qui passe sans que j’ai pu prendre la plume et c’est tjours une véritable peine une vraie angoisse lorsque je n’ai pu de la journée t’envoyer ma tendresse. Mais les heures filent, filent, emportant leur contigent de soucis de pensées, de joies aussi par le petit rayon de soleil que Dieu a placé sur ma route pr la rendre plus supportable sans doute pendant l’absence de celui qui est presque toute ma vie !!
            J’ai reçu hier tes deux dernières cartes à la fois. Je suis heureuse que tu aies un peu d’occupation car c’est grand souci de te sentir sans rien d’interessant à faire devant une longue journée et je souhaite prtant que dure longtemps cet état de choses.
            Voilà tante Jenny qui vient je ne pourrai encore écrire ce soir et prtant j’ai promis à tante Anna d y revenir car elle est arrivée ce matin à 4 h 44 et j’ai fait diligence pour aller à la gare. J’ai été bien perplexe, par exemple. Elle avait prié Mathilde de ne dire à personne qu elle arrivait, elle ne voulait voir qui que ce soit à la gare. Je me demandais si cet arrêt me concernait, et j’ai fini par passer outre. Je l’ai trouvée stoïque elle et ses filles, toutes souriantes Lucien  arrivait en même temps pr sa permission de huit jours. Cela coïncidait à merveille.
            Je les ai devancés chez eux et là il y a eu un peu d’émotion. Elles m’ont lu les discours admirables prononcés sur sa tombe. Celui du colonel est remarquable et je le copierai pr te l’envoyer. Ce cher Pierre était adoré de tous et ses chefs et ses soldats l’ont pleuré à l’égal des siens. Dans un délire il demandait sa croix et la lançait comme un enfant.
            Ta tante demeure sans regrets. Seule l’amputation faite au moment même eut peut être sauvé mais il n’aurait pas donné sa jambe alors que rien ne laissait prévoir la catastrophe. C’est un tout petit éclat empoisonné sans doute qui a empoisonné le sang. On a d’abord enlevé l’éclat et l’étoffe qui avait penetré, la peine est demeurée. On a fait une autre opération on a scié le tibias retrecissant ainsi la jambe, puis on a amputé, jamais la peine n’a cédé un seul jour. Mais lui n’a jamais montré qu’il voyait l’issue venir. L’avant-veille il a prtant dit à son ami : Je crois que je me decolle et puis à sa sœur qui le veillait. Tu es si triste, tu as pleuré ? et il s’est endormi comme un petit enfant.
            Je suis sous cette impression si poignante je ne puis parler d’autre chose et j’ai tort tu n’as pas besoin de ces tristesses.
            Ici tout est assez bien. Mais prtant Suzie a la permission de se lever et d être portée en bas et aujourd’hui, elle n’a pas voulu quitter son lit sentant un point douloureux au ventre.
            Je ne la force pas, mais je trouve tout cela bien long.
            Petite Léna (car Suzie l’appelle ainsi) prospère toujours (un peu moins cependant) elle se décide à prendre quelquefois sa mère mais, pas toujours, et c’est un vrai souci pr cette dernière.
            Je couche dans le lit d’Hugo et passe ainsi des nuits plus supportables.
            Comme il me tarde de savoir ce que tu as fait Dimanche ! Cette journée a été pr nous comme les autres remplies des mêmes occupations, des mêmes soins à donner.
            J’ai été hier chercher les livres que tu me demandes à la maison, je n’ai trouvé sur ton bureau que la bible grecque et la vie de St Paul mais nulle part ailleurs le second livre de Sabatier. Dois je t’envoyer ceux-ci sans ce dernier ? Dis le moi bien vite et je ferai partir immédiatement le colis.
            Je te quitte pr tenter d’aller chez ta tante encore ce soir. Grosses caresses mon bien aimé de ta maman et tendresses de toute la maisonnée.
Bien avec toi 

ta mère affectionnée
Math P Médard