mardi 13 octobre 2015

Sète, 13 octobre 1915 – Mathilde à son fils

Villa de Suède, le 13 octobre 1915

            Je ne sais si tu auras pu lire ma carte écrite hier en cours de route mon cher petit et voilà qu’aujourd’hui je n’ai pas eu encore un moment à moi de la journée pr venir auprès de toi Je tente, après le bain du petit chou d ecrire ces lignes pour les donner au laitier. Mais il est sept heures.
            J’ai donc fait hier un triste voyage toujours en hâte. J’ai voyagé avec le corps qui était accompagné d’oncle Emmanuel [Beau] et Eugène Jaujou [un cousin côté Médard]. Ton oncle Beau m’a paru plus fort que je ne l’aurais cru. Oncle Louis avait décidé de faire une petite visite à Tobie Reynaud et de là d’aller se fixer chez Elise a Lunel pour l’hiver et pour toujours du reste. Cette pauvre Elise aurait eu la une société et un but, quelqu’un à qui se dévouer, c’est navrant. Elle est bien à plaindre [Elise Médard ép. Drouillon avait perdu en 1910 sa fille unique et son mari en 1911.]
            En route pr Lesparsis ton oncle a su qu’il faisait folie et qu’il était bien malade. On a écrit à tante Jeanne mais elle n’a pas compris que ce fut desesperé, elle n’a rien dit à Elise c’est prquoi il n’a eu aucune de ses sœurs à son lit de mort. A mon arrivée à Lunel on m’a vite chargé d’écrire à André Pastoureau pr obtenir une permission de trois jours à Franck [le plus jeune frère Médard] pr lui permettre d’aller fermer la maison de Paris et regler les affaires, renvoyer surtout Victorine, en prevision qu’il faudra pr cela une main ferme – puis je crains d’autres parasites ! J’ai donc passé l’heure de mon séjour à Lunel à écrire et j’ai à peine vu tes tantes. Mais j’ai bien fait d’y aller : décison que j ai prise sur les instances de Suzie et pas sans peine. J’ai bien fait de faire acte de présence ! Ta tante Jeanne toujours très forte et vaillante en apparence, me fait à moi l’effet d’une loque.
            Il parait  qu’oncle Louis désirait tellement te revoir !
            Je suis rentrée à quatre heures avec Mmes Bertin [Valentine Médard épouse Henri Bertin-Sans, une cousine issu de germain de Louis Médard], Herrmann [Marguerite Germain épouse Jacques Herrmann, future belle-mère de Jean], Bouscaren [Julie Vinas épouse Paul Bouscaren] etc et arrivée ici à 6 heures 1/2  j’ai bien vite repris mon tablier d’infirmière.
            Depuis Lundi, le départ de Jane je ne m’arrête pas un instant dans mes soins. Ta sœur a des heures de vrai découragement. Elle va bien, a grand appétit mais elle ressent tjours une petite douleur qui l’oblige à rester au lit. Mr Puech a téléphoné à Hugo qu’on pouvait dès demain la porter sur la chaise longe à condition qu’elle ne mette pas de longtemps pied à terre. Je suis, tu le vois mobilisée pr longtemps et si ma santé ne s en ressent pas, j en suis bien heureuse. Suzie ne parait plus s’interesser à son enfant aussi passionnément. On sent combien elle souffre de ne pouvoir remplir ce doux devoir. Et puis cette petite nature refuse de tirer au sein ou il y a peu de chose et elle trouve trop à faire. Elle préfère le biberon qui fonctionne sans frein. C’est un amour, une delicieuse enfant. Tu ne la reconnaîtras déjà plus tant elle a embelli. Elle a les yeux de Suzie plus noirs encore et Suzie préfère retrouver en ceux de son enfant les tiens. Hugo déclare franchement maintenant qu’elle est ravissante.
            Je viens de recevoir ta carte envoyée au cours d’une superbe promenade. Quel pays merveilleux et que je voudrais avec toi le parcourir. Prquoi ne te laisse-t-on pas venir passer ce mois encore auprès de nous. Oh ! que Dieu m entende et permette que ce mois soit suivi d’autres.
            Figure toi que Rudy [Busck] est à Marseille pr deux jours, jusqu’à demain, ses parents heureux au possible de l’embrasser ont vite déchanté car il est resté dans l’artillerie (non lourde) et part après demain pour la Serbie !! tu vois d’ici tante Fanny et oncle Axel. Je les plains bien.
            As-tu reçu de celle-ci les chaussettes promises. Je n en ai pas joint en laine dans mon petit paquet, parce qu’elle doit t’en envoyer.
            Je songe maintenant à une flanelle. Comment fais-tu ? N y aura t il un moyen de rentrer en possession de cette cantine ? As-tu fait tous le possible pr cela ? et n’as-tu pas trop tardé à aller la réclamer ? En tout cas, il faut que tu sois largement indemnisé. J’espère que tu seras tenace et exigeras même les frais que te procure actuellement ton manque de linge. Je t’ai fait une liste aproximative ; certainement j’oublie bien des choses. En tous cas je n’ai pas mentionné la cantine elle-même.
            Parle-moi de la nourriture. Est-elle suffisante et bien préparée. Ne te sens tu pas affaibli ? Comment es-tu ?
            Eugène obligé d envoyer la liste de ses menus, par les Allemands pr montrer que c’était du mensonge a adressé cette liste à sa chienne. Mira Beau je crois rue Bluff Plan d’Alais.
            On a pensé que les menus étaient des menus de chien et du Bluff des Allemands. Il ne sait pas encore la mort de Maurice.
            Rien à te dire de notre ville où je suis comme n’y étant pas. Je ne vois personne, que tante Jenny de temps en temps, et Mme Pont. Les gens ns laissent tranquilles.
            Voilà une lettre qui ne partira que demain ; il se fait tard et je suis lasse bien lasse. Excuse donc le désordre de ces lignes. Sache seulement que tu es ma pensée même et que je vis près de toi.
            Que Dieu te garde encore et toujours mon bien aimé enfant
            Je ne sais encore rien de tante Anna.
            Tu as les tendresses de ta sœur, d’Alice, d’Elna les plus chaudes de ta maman.
            Hugo t’envoie mille amitiés. 

Ta vieille mère
Math P Médard

            As-tu reçu mes lettres ?