mercredi 27 mai 2015

Chambéry, 27 mai 1915 – Jean à sa mère

Chambery, 27/5/15
            Maman cherie 

            Je ne repond qu’aujourd’hui à ta bonne lettre du 26 mais elle partira à 2 h au lieu de partir le soir et t’arrivera peut-être aussi vite.
            Le docteur ce matin m’a trouvé mieux ! meilleure mine, le liquide diminue. Je lui ai montré une petite bosse près de ma plaie de sortie, maintenant absolument insensible, mais qui me faisait mal au moment de mes abcès et auquel les docteurs n’ont jamais fait attention.
            Il m’a dit que ce n’était rien, mais que j’avais eu une cote cassée qui s’était racommodée toute seule sans revenir parfaitement en place – d’où la petite bosse.
            Tout cela d’ailleurs sans aucune importance. Le medecin d’un autre service est rentré et il lui a montré mon bras comme exemple de maigreur.
            Il m’a dit qu’avant de m’envoyer à Aix, il voulait que le docteur Françon m’ausculte et voit lui-même si je pouvais supporter le transport sans inconvenient. Ma vie est toujours la même. Dis à Suzon que je lis tous les Jean-Christophe et que ça m’embale.
            Même regime aussi. Je me paye matin et soir deux gateaux à 2 sous qu’une infirmière m’apporte de chez le patissier. Tu vois que je suis plus gourmand que jamais. Je ne trouve pas que nos menus soient courts. Une soupe et deux plats que veux tu de plus ? Surtout qu’on en a a volonté. Les gateaux sont de la gourmandise. Je suis plutôt forcé de me retenir, car la digestion est + difficile quand on est couché que debout, et digestion trop diff. ce serait la fièvre. Ma temperature est reglée maintenant comme un papier à musique et le docteur la trouve très normale.
            C’est régulièrement 37° le matin/rectal/ et 37°6 le soir/idem/
            Tes lettres sont bien vivantes. Je ne te parle que de moi, mais je pense bien à vous. Il me semble même que je vis au milieu de vous, ds la lumière de la ville, sous les pins, des pierres blanches devant le panorama et ds les herbes sauvages du chateau-vert. Je sens la tendresse de tante Fanny et en suis bien ému. Embrasse là pour moi, Suzon, Hugo, Alice. Mes amitiés à Madou et les meilleures tendresses de ton fils qui t’aime.

Jean