mardi 26 mai 2015

26 mai 1915 – Lieutenant Sordet à Jean

26 Mai            Marseille
            Mon cher camarade,  

            Malgré les deux mois bien pénibles que je viens de passer, je ne vous ai pas oublié et maintenant que je reprends quelque goût à tenir un crayon ma pensée va vers vous comme vers tous ceux qui ont été sous mes ordres : vers ceux-là même que je n’ai connu que quelques heures et dont je n’ai pas eu le temps d’apprécier les qualités, comme ce fut votre cas.
            Vous rappelez vous la matinée que nous avons passée ensemble[1], quelques heures avant l’attaque, et pendant laquelle nous avons évoqué ce midi ensoleillé d’où vous veniez et ou les évènements allaient m’expédier plus vite que je ne l’aurais cru ? Vous m’avez alors paru sympathique et j’ai été bien peiné lorsque, beaucoup plus tard, j’ai appris que vous aviez été sérieusement blessé.
            Vous me ferez plaisir en me donnant de vos nouvelles, et vos impressions au cours de ce baptême du feu peu ordinaire.
Bien cordialement à vous 
 
Lieutenant Sordet
 
Hopital 2 bis
26 rue St Sébastien
Marseille

[1] Racontant dans ses mémoires son arrivée aux Eparges, Jean écrit : Pourtant le capitaine Sordet, commandant de la 11ème à laquelle je suis affecté, me reçoit avec une certaine chaleur. Mais il est préoccupé, pessimiste et las comme les autres officiers.  « Je suis le seul officier de la compagnie, mes quatre chefs de corps sont des sergents. Vous êtes aspirant. Je devrais régulièrement vous donner le commandement d’une des sections, mais vous arrivez, vous ne connaissez ni les hommes ni le terrain. Pour le moment vous resterez près de moi. Vous n’aurez que trop vite une succession à prendre.». Voir article du 17 mars.