dimanche 15 mars 2015

Sète, 15 mars 1915 – Mathilde à son fils

Cette le 15 mars 1915
            Mon bien aimé Jean, 

            Je ne sais si ce message arrivera à destination mais il faut que je te l’adresse mon fils cheri car je ne puis être qu’à toi et ma pensée ne te quitte pas un instant ! ou te trouver ! que c’est dur de ne pas savoir où te chercher !
            J’ai eu une vraie douceur à avoir des détails sur toi par Suzie et Hugo. Ta sœur est revenue toute rayonnante de t’avoir vu dans tes fonctions et de t’avoir embrassé encore. Tu étais si beau et si charmant parait-il. Elle a été bien hrse et son mari aussi mais j’ai bien compris ce desir qui était le mien. Je pense que tu as compris que c’était par amour pr toi que je suis pas venue à Avignon parce que j’ai vu que tu ne le désirais pas et c’était juste avec la maman que tu as.
Maintenant il me reste la peine de ne pas l’avoir fait mais je suis ainsi ne t’inquiète pas de moi surtout ; je fais tous les efforts pr être hrse, un tout petit peu pr avoir un peu de la vaillance de mon Jeanot et Dieu m’aidera, c’est entre ses mains que je te remets et c’est lui seul qui peut te garder, s’il le juge bon.
            Je n’éprouve pas le besoin mon grand garçon chéri de l’exhorter à faire ton devoir avec vaillance je sais trop que tu le feras mais ce que je te demande avec larmes et prières c’est de ne pas t’exposer inutilement comme certains l’ont fait dans un zèle et une bravoure inutiles. Cela, tu me le dois et j’y compte.
            Suzie est revenue bien fatiguée de son voyage, j’espère qu’elle sera vite remise après une ou deux nuits de bon repos. Ns sommes restées hier tranquillement chez elle ou tante Anna et Laure sont venues nous trouver et cette après midi ns sommes encore là ensemble toutes deux et c’est ce qu’il y a de mieux pr moi, elle est si affectueuse pr sa maman !
            Ns avons eu Mme Neri[1] un moment et avons ensuite examiné ma layette pr voir ce qui restait à faire pour ton filleul[2]. Je vais être bien occupée avec tout cela et vais essayer de m’y mettre avec courage ce sera une distraction. Le matin j’irai tjours à l’Hôpital. Mais j’y ai moins d’entrain et cela me coûte.
            Je suis si heureuse que tu aies une ordonnance. Quelle différence de partir dans ces conditions là ! Cela aurait été tout à fait bien si tu avais commandé tes bleus mais est-il dit que tu resteras à la tête de cette section là ? Comme je suis peinée que tu n’aies pas des hommes plus vaillants !
            Hugo a reçu ce matin une bonne lettre d’oncle Axel [Busck] lui en transmettant une de Rudy [Busck, cousin de Jean] ce dernier est envoyé au repos mais cela ne lui dit rien de bon il a l’air de craindre un départ pr la Turquie. Ce serait bien pénible. J’ai reçu ce matin un mot de toi avant ton départ d’Avignon. J’attendrai maintenant impatiemment et tu feras tout ton possible pour que j’ai des nouvelles très souvent.
            Je t’embrasse mon fils cheri avec la plus profonde et la plus grande des tendresses.
            Ta vieille Alice pense à toi tout autant que moi et ns t’embrassons tous quatre.

Ta maman qui vit avec toi.

Mathilde P Médard

Suzie t’envoie force tendresses

[1] Il s’agit de Jeanne Jalabert (1854-1927) épouse de Néri Julien (1845-1918). Mathilde l’appelle « Mme Néri » au lieu de « Mme Julien », pour la distinguer de ses deux belles-sœurs, également membres de la paroisse de Sète.
[2]Suzanne Médard ép. Ekelund était alors enceinte de trois mois, et son frère Jean devait être le parrain de l’enfant à naître.