Source : collections BDIC |
D’ailleurs pour le moment notre compagnie est en réserve dans un village, qui n’est presque jamais bombardé.
Première guerre mondiale (1914-1918). Lettres de Jean Médard.
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D’ailleurs pour le moment notre compagnie est en réserve dans un village, qui n’est presque jamais bombardé.
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Maman chérie
Nous sommes sur le point de prendre secteur. La Cie sera en reserve. C’est dire que notre vie ne sera pas bien dure. La seule chose pénible c’est de subir matin et soir les recits de bataille de notre brave capitaine Dufour. Il est intarissable. Ce matin je suis allé à la ville voisine L [Lunéville]. faire quelques achats. Mon ordonnance fait ma cantine et moi mes preparatifs.
Ma chère Maman
Hier j’ai eu une agreable surprise ; j’etais en train de faire une partie de bridge avec les deux docteurs et un camarade lorsque Lucien [Benoît, cousin germain de Jean] est arrivé. Je ne m’attendais pas du tout à sa visite, j’avais tout à fait oublié le numero et son armée, et je n’avais pas l’idée qu’il puisse être par ici.
Il avait pretexté une tournée pour pouvoir venir me voir, car il ne lui est pas facile de quitter son bureau. Je l’ai donc accompagné dans sa tournée en auto ce qui m’a procuré le plaisir de voir du pays et surtout de passer quelques bonnes heures avec lui. Il m’a donné quelques tuyaux sur le secteur que nous allons prendre, un excellent secteur.
A l’aller, nous sommes allés voir Gilbert [Leenhardt], très ouvert et affectueux, au retour Hervé [Leenhardt], toujours moins expensif, ça a frappé Lucien comme ça m’avait frappé. Lucien a pu me denicher parcequ’il avait rencontré le colonel [Adrien] Perret à l’Armée il y a quelques jours. Nous nous sommes promis de nous revoir le plus souvent possible. Nous avons ainsi passé presque toute une après-midi ensemble.
Le matin il y avait eu revue et remise de décoration. Il faisait malheureusement un temps lamentable et la pluie et la boue terniraient le plus beau defilé.
JMO du 132ème R.I. - 16 avril 1918 |
Aujourd’hui je commande la Cie, [Marcel] Simonin étant parti en reconnaissance de secteur.
JMO du 132ème R.I. - 17 avril 1918 |
Nous avons reçu les bleux de la classe 18. Ils ont generalement assez bonne mine. J’ai une petite section qui m’a l’air de devoir pas trop mal marcher.
J’ai reçu aujourd’hui une carte de Léo Viguier qui me dit avoir dû quitter Paris pour l’Aveyron, absolument à bout de force. Elle doit être vraiment malade puisqu’elle me dit : « Je suis dans un tel état de fatigue que je me demande si je reprendrai jamais la vie normale. »
Reçu aussi une bonne lettre de Mme Scheurer. Le petit coin de vallée est retourné au calme.
Ma chère Maman
Nous passons dans le calme l’anniversaire des dures journées de l’année dernière [l’offensive du Chemin des Dames, où le 2ème bataillon avait eu d’énormes pertes].
Source : collections BDIC |
Hier Dimanche je suis allé dejeuner avec Hervé [Leenhardt] qui habite un village voisin. Il ne sait pas autre chose sur Guy [Leenhardt] que ce que j’ai écrit à Montpellier. J’ai reçu d’ailleurs au sujet de ma lettre des reponses très affectueuses et reconnaissantes de oncle Eugène [Leenhardt], oncle Fernand [Leenhardt], tante Lucy et tante Inès.
Hier après-midi, match de foot-ball, musique. Tout le régiment est réuni à 1500 mètres d’ici ; c’est le repos bruyant et presque joyeux. Nous sommes loin de la partie qui se joue autre part et sans nous, et de ses realités un peu tristes.
Je ne comprends pas ton étonnement de me voir à la 6me – je t’ai bien dit que je ne serais officier téléphoniste qu’en cas de depart de Le Gall.
Quant aux fonctions d’officier de liaison à l’infanterie on ne les remplit qu’en cas de combat. D’ailleurs, si ce n’était pour toi, je m’y déroberais bien, car le travail de compagnie est autrement interessant.
Nous occupons un vaste secteur à l’ouest de la forêt de Parroy, un des coins les plus calmes du front. Il y a jusqu’à deux kilomètres de distance entre les positions françaises et allemandes.
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre )Source : collections BDIC |
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Source : Wikipédia |
Mon commandant de compagnie est Simonin1, bon camarade et officier courageux, mais un peu suffisant et énervant quand il raconte ses bonnes fortunes et fait son petit Don Juan. Il se figure qu’aucune femme ne peut lui résister. Il faut reconnaître qu’il a un certain succès, bien qu’il ne soit pas beau.
A la popote il chante des chansons à la mode sentimentales et langoureuses :
ou encore « Sur le bord de la Riviera, où murmure une brise embaumée… ».
Mémoires de Jean Médard, 1970 (3ème partie, La guerre )Ma chère Maman
Nous voici arrivés à bon port après un voyage long et fatigant. Un petit village ensoleillé, loin du charoi des grandes routes ; d’ailleurs par ici le charoi des grandes routes est très reduit. Nous serions au repos pour quelques jours ; après nous prendrions un secteur – un des coins les plus calmes du front. Si j’ai le temps et les moyens de transport j’irai voir un de ces jours les Bertrand dont je ne suis pas très éloigné ; au passage en train dans leur ville [Nancy] j’ai vu Pierre Durand et sa femme [Anna Célina Eugénie Vincent (1889-?)] qui prenaient l’air sur leur balcon mais je n’ai pas pu leur faire signe.
Avec ce « coup de chien » nous n’avions pas eu le temps de voir arriver le printemps. Maintenant c’est un éblouissement : fleurs, verdure, oiseaux, tiédeur.
Nous sommes deux compagnies1 et l’état major du bataillon perdus dans un tout petit village où nous sommes d’ailleurs parfaitement bien.
Je vis avec [Marcel] Simonin qui est à la fois mon commandant de Cie et un excellent camarade.
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Notre chef de Bataillon [le capitaine Dufour], lui est beaucoup moins bien. Il n’est pas méchant, laisse faire à chacun ce qu’il veut, même beaucoup trop, surtout il est tout à fait désequilibré. Il nous faut subir d’un bout à l’autre de la journée le recit de ses campagnes. Les derniers succès de son bataillon l’ont particulièrement excité et il nous rendra tous fous si ça continue. Malgrès les manifestations les plus nettes nous ne pouvons pas arriver à lui faire comprendre qu’il nous embête. Enfin !
Je vous embrasse bien tendrement mes chéris ; votre
Je n’ai pas encore eu vraiment de temps de reprendre contact avec mes poilus ; je t’en parlerai une autre fois.